Les meilleurs talents émergents de la Royal Academy d'Anvers

La Royal Academy of Fine Arts d'Anvers — communément appelée The Academy — a le don de faire éclore d'incroyables talents, d'artistes comme Vincent Van Gogh à des noms plus récents comme Demna, directeur créatif de Balenciaga. La faculté de mode de l'Académie a été ouvert ses portes dans les années 60, mais n'a acquis une renommée mondiale qu'en 1986, lorsque six étudiants ont chargé une camionnette de leurs collections pour les présenter à Paris et à Londres. Il s'agit de Walter Van Beirendonck, Dries Van Noten, Ann Demeulemeester, Dirk Bikkembergs, Marina Yee et Dirk Van Saene. À Londres, la nouvelle vision artistique des six designers fut immédiatement célébrée, une nouvelle bouffée d'air avant-gardiste qui a changé à jamais le secteur tout entier - Martin Margiela est souvent considéré comme le septième membre du groupe, pourtant il a obtenu son diplôme peu de temps avant eux. Depuis que les Antwerp Six ont laissé leur empreinte dans l'industrie de la mode, l'Académie a conservé un magnifique palmarès en matière de formation des talents du secteur de la mode. Aujourd'hui, les postes de Directeur Créatif chez les plus grandes marques sont occupés par d'anciens étudiants de l'Académie : Veronique Branquinho, Kris van Assche, Demna, Glenn Martens. Parmi d'autres noms qui ont, quant à eux, décidé de lancer leur propre entreprise, on retrouve Meryll Rogge, Stephanie d'Heygere et Florentina Leitner, pour n'en citer que quelques-uns. L'Académie, c'est un peu comme Poudlard, mais pour les magiciens de la mode.

Ce week-end a eu lieu le graduation show de 2024, un événement unique en son genre qui s'est déroulé à la fois vendredi et samedi soir devant deux mille personnes. Le prix des billets pour le défilé allait jusqu'à 45 € et, cette année, presque tous les billets ont été vendus en moins de douze heures - la mode occupe vraiment une place spéciale dans le cœur d'Anvers. Au cours du défilé, qui dure environ quatre heures, les étudiants de licence ont présenté leurs projets en suivant le même format que d'habitude (bien que l'Académie encourage des talents qui repoussent les limites, elle reste conservatrice) : historical dress, world dress et une collection personnelle. Chaque soirée s'est terminée par le défilé des étudiants de master, le grand final.

Voici les talents les plus remarquables auxquels vous devriez prêter attention.

Briac Tremolieres

Pour sa collection, Tremolieres s'est inspiré de l'artiste britannique et leader du mouvement Arts and Crafts, William Morris, en particulier de son poème Garden by the Sea. Morris rejetait la révolution industrielle et voulait que les gens restent connectés à la nature et à sa beauté, des valeurs qui sont à la base de la collection de fin d'étude de Tremolieres. Avec des matériaux inspirés de la nature et des silhouettes que l'on retrouverait dans un jardin botanique, les créations sont pour le moins hyper-romantiques.

Byeongho Lee

Pour sa collection, Lee s'est inspiré du magasin de ses parents à Séoul, où il a grandi, tout en y ajoutant une touche cinématographique. Cuir modelé, grandes bottes et un mélange de matériaux plus robustes comme la fourrure et le cuir explorent une vision futuriste presque dystopique combinée à un idéal de nostalgie très romantique. La collection est enrichie de hauts niveaux de savoir-faire artisanal.

Jieun Lee

Lorsqu'elle était jeune — elle est l'une des diplômées les plus âgées, aspect qui se reflète dans la maturité de sa collection — Lee a voyagé en Nouvelle-Zélande pour apprendre l'anglais. Sans connaître la langue, elle a fait ses valises et s'est installée sur un autre continent. Incapable de communiquer avec ses camarades de classe, Lee a trouvé réconfort et inclusion dans l'uniforme scolaire. Avant d'étudier à l'Académie, Lee travaillait chez Brooks Brothers, l'apothéose du vêtement américain preppy et conservateur — l'inspiration est évidente, mais dans sa collection, elle a été réécrite dans une version moderne, fraîche et romantique.

Margot Verstuyft

La collection de Verstuyft trouve son inspiration dans le ballet Half Life de Sharon Eyal. La danse pulsante et rythmique, la physicalité et l'engagement constant dans le mouvement se transforment dans ses vêtements, se manifestant dans des pointes transformées en talons ou dans les élargisseurs de bottes devenus des sacs à main, tandis que la référence devient plus subtile dans les jambières et les tricots.

Rohan Kale Steinmeyer

La collection CONTACT est un collage des expériences de vie de Kale Steinmeyer, qui a grandi entre l'Allemagne, les États-Unis et l'Inde. Dans cette collection, le designer explore la façon dont la culture et les vêtements sont étroitement liés, devenant un moyen d'exprimer nos valeurs et nos croyances. Les vêtements de sport sont combinés avec des vêtements plus traditionnels, et les jeans sont décrépits pour montrer l'usure de la vie quotidienne. Un seul mot pour décrire la collection de Kale Steinmeyer : sincère.

Sofia Hermens Fernandez

Dans la collection Semiotics of Girlhood, Hermens Fernandez ne se contente pas de mettre en lumière le système symbolique de l'univers pop féminin, mais en subvertit les codes, tel que les fleurs et les nœuds, pour émanciper au lieu d'infantiliser. Avec des niveaux complexes de savoir-faire artisanal et une attention aux détails, la collection de Fernandez réécrit le récit de la féminité. Pensez à une Barbie CEO.

Sofia Rodriguez Rodriguez

L'inspiration peut arriver quand on s'y attend le moins. Pour Rodriguez Rodriguez, c'est dans son sommeil qu'elle se manifeste. En tant que maniaque du contrôle, ses cauchemars représentent le moment où elle perd le contrôle, de l'inconnu qui plane au-dessus d'elle à ses dents qui tombent. Dans sa collection, les talons sont représentés par des dents — les mêmes dents que Rodriguez Rodriguez perdait dans ses rêves, pour créer son interprétation d'Alice au Pays des Merveilles combinée à My Dark Twisted Fantasy. Les silhouettes et les volumes sont exagérés, créant une représentation visuelle de "J'ESSAIE DE GARDER LE CONTRÔLE" — comme une explosion d'émotions qui veut sortir.

Uliana Dobrovskaya

Dans sa collection Elegance in Motion, Dobrovskaya explore le passage à l'âge adulte. La maladresse, combinée à l'insécurité d'apparaître parfaite, se manifestent dans la collection qui jongle entre vulgarité et élégance, explorant la frontière entre les deux. Fourrure, cuir, talons hauts, jupes courtes et décolletés révélateurs s'alternent, cherchant un équilibre entre deux mondes opposés. L'une des plus grandes inspirations de Dobrovskaya et la raison pour laquelle elle est rentrée à l'Académie est Demna, une référence qui émerge en particulier dans la manière dont la jeune designer joue avec les proportions et explore la disparité entre haute et basse culture.

Yuhei Ueda

Au cours de leur master, les étudiants choisissent un mentor pour être guidés et aidés dans la création des collections. Pour Ueda, le choix du mentorat de Jan-Jan Van Essche a été très simple. Tout comme Van Essche, Ueda porte un amour particulier à la nature et l'artisanat. Tout comme le café de Rome, le lait entier de Spakenburg ou le jus d'orange frais de Paris, de véritables saveurs qui n'ont pas été produites en masse ou modifiées, Ueda a une vision brute de la mode. Le designer favorise une approche lente de la production afin d'apprécier et de préserver les vêtements pour les générations à venir, une valeur qui se manifeste dans sa collection sous forme de silhouettes volumineuses et douces, de matériaux naturels et d'une attention particulière aux détails. Lors de la révision de la collection, Ueda nous montre comment un morceau de tissu se transforme en manteau en quelques étapes seulement. Le luxe lent, le vrai : c'est la rencontre entre la haute couture et le hygge.