Qu'est ce la "quiet celebrity"?

La célèbre maxime de Lavoisier, «Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», a récemment trouvé une nouvelle application. Bien qu’on pensait en être arrivé à bout, le quiet luxury semble avoir découvert une succession naturelle chez la "quiet celebrity". Tandis que le premier se manifeste à travers des produits mettant l'accent sur le minimalisme et la sophistication, l'autre se reflète dans le comportement des personnalités publiques, privilégiant la discrétion et l'authenticité. Certes, les célébrités ayant opté pour la “quiet life” existent depuis la nuit des temps, mais le phénomène de la "quiet celebrity" est différent. Il concerne ces personnalités tant convoitées par les maisons de mode, non pas pour leur tapage médiatique, mais pour leur discrétion, à la fois dans leur vie privée et dans leur image publique. Leur renommée repose davantage sur leur talent artistique et leurs réalisations professionnelles que sur leur omniprésence dans les médias. Cette approche apporte un vent de fraîcheur dans un contexte de saturation de la culture de la célébrité dominée par le sensationnalisme et l'exposition excessive. La montée en puissance de ces "quiet-celebrities" peut également être interprétée comme une réponse de l'industrie de la mode à l'évolution des mentalités des consommateurs. Ces derniers se tournent désormais davantage vers l'achat de produits de qualité plutôt que vers des articles jetables, favorisant ainsi les marques qui prônent la sobriété et la durabilité. Stratégiquement, pour promouvoir ces produits, il est donc logique que les marques associent leur image à celles des personnalités qui incarnent ces valeurs, des personnalités qui transcendent les tendances éphémères des réseaux sociaux pour s'enraciner dans des réalisations durables.

Cette tendance a entraîné une réorientation significative des stratégies de marketing des marques de luxe et de divertissement. Comme le souligne Jamil Dakhlia, professeur de sociologie des médias, dans une analyse récente, «Dans la mode actuelle, il y a un dosage entre les classiques et les célébrités modernes selon la manière dont la maison souhaite s’affirmer sur le marché.» Cette approche plus nuancée se manifeste par des partenariats avec des personnalités dont l'accent est mis sur le talent artistique et l'élégance intemporelle plutôt que sur la simple visibilité médiatique. Un exemple révélateur de cette tendance est la collaboration entre la créatrice Phoebe Philo et l'actrice en pleine ascension Sandra Hüller. Phoebe Philo, précurseure du “quiet luxury", a choisi Hüller comme égérie pour sa deuxième campagne. Un choix qui s’inscrit dans une volonté de relier sa marque à une image de sophistication et de qualité, mais aussi de créer un engouement médiatique auprès d’une niche. Comme le souligne Chris Rojek dans son ouvrage Fame Attack, les grandes figures du cinéma sont perçues comme offrant une image intemporelle, en accord avec les valeurs de qualité et de sobriété. Soit, les marques bénéficient de cette association mais les célébrités en tirent aussi profit en gagnant en crédibilité en tant qu'icônes d'élégance et de raffinement. Prenons encore une fois l'exemple de Sandra Hüller sur le tapis rouge des Oscars, revêtue d'une robe couture Schiaparelli par Daniel Roseberry. Cette apparition a renforcé son image d'icône en devenir, son choix vestimentaire évoquant à la fois le glamour du vieux Hollywood et l'excentricité surréaliste. 

La montée des "quiet-celebrities" permet aussi à certains de réévaluer les normes de célébrité, en favorisant la reconnaissance du talent artistique au détriment de la simple notoriété. Cette évolution, comme l'observe Dakhlia, représente un retour aux sources où «les véritables stars sont celles qui excellent dans les arts les plus prestigieux». Un exemple probant de cette tendance est l'association d'acteurs de renom avec des maisons emblématiques comme Emma Stone, Cate Blanchett et Jennifer Connelly avec la prestigieuse maison Louis Vuitton. Bien évidemment tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Alors que cette tendance offre une bouffée d'air frais dans un paysage médiatique souvent dominé par l'exposition excessive, elle ne semble pas destinée à bouleverser radicalement l'ordre établi. Au contraire, elle apporte une nuance bienvenue, permettant de rétablir l'importance de la qualité, de la sophistication et de la discrétion. Cette évolution témoigne d'une prise de conscience collective quant à la valeur de l'authenticité et de la durabilité dans notre perception des figures publiques.