3 créateurs de mode fraichement diplômés à tenir à l'oeil en 2025
La relève de la mode entre créativité et engagement
01 Janvier 2025
Si la mode évolue avec le temps, les nouveaux créateurs et créatrices suivent également cette progression. Mais qui seront les prochains designers et stylistes qui écriront l’avenir de la mode ? Quels créatifs continueront l'héritage de la mode en devenant les prochains grands directeurs artistiques, et lesquels créeront de nouvelles maisons emblématiques qui transformeront l'avenir de la mode grâce à la technologie, la durabilité et la fusion de l'art et des causes sociales ? Alors que la génération Z prend de plus en plus le contrôle de ce qui est considéré comme la “mode” et ce qui ne l’est pas, nous assistons à l’émergence de collections et de marques inspirées par des mouvements de liberté, à la différence d’aujourd’hui, car nous luttons davantage sur le plan sociologique que les générations précédentes. Après de minutieuses recherche, voici une liste non exhaustive de designers qui, selon nous, auraient un impact sur l’avenir de la mode et se développent lentement pour devenir des acteurs capables de véritablement changer la vision du monde dans lequel nous vivons.
Lucian Príeto-Sánchez
Lucian Príeto-Sánchez, designer et styliste cubano-new-yorkais, diplômé du Polimoda, est sans doute l’un des créateurs qui a le plus retenu notre attention. Le créateur et directeur de la marque afrobodega propose des looks et des défilés marquants depuis ses débuts. Inspiré par les cultures noire et latine, il se concentre sur les enjeux sociaux et promeut la fierté, qu’il s’agisse de questions raciales ou de sexualité. Afrobodega est la preuve que l’avenir de la mode doit avoir une signification plus profonde qu’un simple esthétisme destiné à vendre et générer des profits. Lors d’une interview avec le designer, à la question « pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ce que représente Afrobodega et comment l’idée a vu le jour ? », celui-ci a répondu : « en général, la marque a fleuri, je dirais, par frustration. Beaucoup d'étudiants noirs à l'université, nous étions particulièrement frustrés par l'administration, par la façon dont elle était gérée et par la manière dont les projets plus culturels étaient perçus, en opposition aux images de mode localement reconnues. Mais cela raconte aussi une histoire commune à toutes les minorités : le seul moyen de survivre dans des contextes qui ne sont pas forcément faits pour que nous prospérions, c'est d'avoir nos propres communautés, de s'entraider et de créer des espaces où nous pouvons collaborer sur l'art, la mode et la musique. C’est l’objectif vers lequel nous tendons : avoir un espace où les gens peuvent créer ensemble. »
Quand nous lui avons posé la question du futur et de ses projets, il nous a affirmé être actuellement en train de travailler avec son équipe sur la prochaine collection, , qui prendra la forme d’un film de mode produit en interne. « Nous sommes en train de finaliser la collection physique avant de commencer à conceptualiser la manière dont nous allons la présenter. Concernant un aperçu de cette collection, je dirais qu’en nous basant sur toutes les collections que nous avons sorties jusqu’à présent, la plupart s’inspirent de références historiques que nous avons choisis comme fondation. Cependant, pour celle-ci, je pense que c’est la première fois que nous nous concentrons sur quelque chose de très actuel. Ce n’est donc pas autant axé sur le passé, mais davantage sur le présent et légèrement tourné vers le futur. Le concept en lui-même reste fidèle à l’éthique de la marque : créer des communautés internes qui travaillent dans des espaces sûrs tout en établissant des collaborations entre divers artistes issus de différents horizons » a-t-il précisé.
Paco Fausset Leroy Thomas
Paco Fausset Leroy Thomas, tout juste diplômé de l’Institut Français de la Mode à seulement 21 ans, incarne une profonde passion pour la créativité et le design. Élevé à Paris, la ville qui a façonné sa sensibilité artistique, Paco a construit son parcours académique autour des arts. Après s’être concentré sur les arts appliqués au lycée, il a affiné son expertise avec une spécialisation en mode, posant ainsi les bases d’une carrière prometteuse dans l’industrie. Quand nous lui avons demandé comment il décrirait sa philosophie de design en tant que jeune diplômé et ce qui distingue son travail dans le paysage créatif actuel, Paco répond : « tout au long de notre évolution personnelle, qu'elle soit physique ou morale, nos interactions avec la société évoluent également. Cette évolution peut parfois déplaire, perturber ou même offenser certains. Les échanges deviennent alors brusques, frontaux, provocateurs, mais aussi empreints de curiosité. C'est à travers le vêtement que j'aime transmettre l'émotion ressentie lors de ces confrontations. Le vêtement peut devenir une arme, non seulement par sa matière, mais aussi par son mouvement et sa construction. Il peut aider à affirmer ce que l'on souhaite transmettre. Sous le poids des jugements hâtifs, il se suffit de plonger dans l'océan relativiste qui assourdit le vécu, tout en recelant une préfiguration de la mort : l’hypersexualisation de notre propre corps. Cette collection est l'occasion de concevoir en grandeur nature mon idéal. Elle pousse à hypersexualiser son propre corps. À l'image d'un rêve, chacune de mes silhouettes est prête à vaincre ses peurs et à affirmer sa place. »
En ce qui concerne ses projets, sa dernière collection ou autres pièces dont il est particulièrement fière, l'histoire ou le concept qui les sous-tendent, Paco raconte que le plus grand défi auquel il a fait face en réalisant sa collection a été de matérialiser son sujet. « Chaque silhouette devait être une représentation claire et nette de mon idéal. Je ne souhaitais pas que l'une d'entre elles soit perçue de manière vulgaire. Je parle d'émotions, de sensualité, de sexualité, et de la complexité d'exister aux yeux d'une société qui n'est pas toujours accueillante. Bien que l'on retrouve souvent des représentations en photographie ou au cinéma, je n'ai pas encore pu explorer ce thème à travers la mode. C'est donc l'importance de ce défi qui a été de retranscrire mes idées à travers le tissu » explique-t-il. L'une des pièces qui l'a particulièrement intrigué par sa réalisation complexe, raconte Paco, a été la représentation d'un "fall" géant, porté comme une jupe par une femme. Inspirée d'illustrations des années 1600-1700, où l'on voit des créatures représentant des hommes surmontés d'énormes "falls", cette création a été entièrement réalisée en impression 3D par l’entreprise Poolp. « Cela a constitué un véritable défi tant pour eux que pour moi, car c'était une grande découverte de travailler avec ce type de matériau » conclut-il.
Sophie Gontard
Sophie Gontard, 22 ans, aux racines franco-américaines, apporte à son travail une perspective culturelle unique et nuancée. Née et élevée à Paris, Sophie a entrepris un parcours académique international après le lycée, en effectuant une année préparatoire au Royaume-Uni. Elle est ensuite retournée dans sa ville natale pour intégrer l’Institut Français de la Mode, où elle a obtenu avec succès son diplôme de licence en juin dernier. « Je suis souvent inspirée par des choses du quotidien. Même si elles sont simples, j’aime explorer comment elles peuvent être transformées en quelque chose de plus. C’est ce que j’ai essayé de faire dans ma collection en basant mes looks sur des vêtements très basiques, comme un t-shirt blanc. C’est pourquoi, par exemple, j’apprécie vraiment et je m’inspire du travail d’Erwin Wurm, en particulier de son exploration de l’absurdité et de la distorsion. Sa capacité à transformer quelque chose de banal en quelque chose d’étrange ou d’humoristique résonne avec moi. Pour ma collection, j’ai été particulièrement inspirée par de vieux cartoons comme Flat Stanley, par exemple. Voir comment les vêtements sont dessinés de manière humoristique, souvent pour les enfants, m’a aidée à trouver des idées pour transformer ces pièces de vêtements du quotidien en une collection. Le mélange de ces influences m’aide à créer des pièces à la fois familières et absurdes, cherchant à garder des éléments reconnaissables tout en développant de nouvelles silhouettes » nous a-t-elle raconté lors d'une interview.
En ce qui concerne sa courte mais prometteuse carrière, elle nous explique que l'un des moments dont elle est le plus fut pendant les deux semaines avant le défilé de sa collection de fin d'étude : « voir ma collection se concrétiser aux côtés des créations de mes amis et camarades a été vraiment gratifiant. Tout au long de l’année, on a créé un environnement collaboratif et super bienveillant, où tout le monde s’entraidait sincèrement pour avancer. Contrairement au stéréotype de la compétition entre étudiants de mode, j’ai ressenti une vraie camaraderie qui nous a tous aidé à développer. Voir le travail de chacun aboutir après une année de travaille intense m’a rendue fière, pas seulement de moi, mais de tout le monde » a-t-elle conclut.