Aérographe, désordre et étonnement infantile, entretien avec Gerrit Jacob

Graffiti art et airbrush, une esthétique allant du kitsch au glamour et aucune envie de passer inaperçu : Gerrit Jacob, artiste et designer originaire de Hambourg, est une étoile montante dans le monde de la mode. Après avoir terminé ses études à la Central Saint Martins et avoir habillé de célébrités telles que Lil Nas X, Burna Boy et Rosalia avec des couleurs éclatantes, il est devenu le premier designer à participer au nouveau format de vitrine Intervention, un événement conçu par l'agence de communication Reference Studios. Sa collection, dans laquelle l'esthétique de l'aérographe est toujours présente, a marqué le début de la Fashion Week de Berlin, rappelant le monde du hip-hop des années 90 mais avec une touche résolument moderne. Ce fut une plongée dans l'esprit de Jacob pour «transmettre un peu le désordre et l'aléatoire qui accompagnent la croissance, suivre son propre cours. Et ce que j'ai compris pendant les sept mois où j'ai dessiné ces vêtements : je ne suis pas ordonné, je ne suis pas sobre, mon cerveau est un chaos». Pour approfondir ce pan de son intimité, nous l'avons rencontré pour une conversation informelle, allant des ennuis fiscaux allemands à la sensation de merveille que l'on ressent en faisant un travail que l'on aime vraiment.

Silhouette oversize, transparences, couleurs vives et motifs graffiti : la confection rencontre le bruit et épouse la couleur pour l'artiste, mais cette fois-ci, par rapport à ses créations passées, une nouvelle dimension féminine s'ajoute. Pantalons à taille basse et bustiers romantiques ornés d'éléments kitsch se fondent dans le streetwear enrichi de motifs aérographiés de chats techno en couleurs néon. Un mélange d'éléments apparemment aléatoires résultant d'une « sorte de merveille enfantine » : «Dans le processus de conception, j'essaie toujours de suivre mon intuition comme si j'étais en état de transe. Si cela ne me donne pas de sensations dans le ventre, je n'écoute pas cette idée. Et c'est là que survient la joie : je dois éprouver de la joie en faisant quelque chose, sinon je ne le fais pas». D'un côté, l'excentricité fait partie de son caractère, mais il est conscient qu'en raison de la saturation générale des marques émergentes, il faut quelque chose qui fasse du bruit pour attirer vraiment l'attention. «Certaines personnes créent des choses vraiment portables, plus orientées vers le luxe et le confort. D'autres créent des choses plus voyantes qui fonctionnent sur scène, je m'inclus dans la deuxième catégorie». Ce n'est pas un hasard si l'un des endroits où l'on peut le plus souvent voir les créations de Jacob est sur scène, et parmi ses admirateurs se trouvent des artistes internationaux tels que A$AP Rocky et Rosalia.

Lorsque je lui demande ce qui différencie le rythme de travail de Berlin des capitales de la mode classiques - de la frénésie de Paris au goût bourgeois de Milan - il éclate de rire et raconte que la plus grande différence, ce sont les autorités fiscales allemandes et les ennuis qu'elles causent. Puis il se fait sérieux, y réfléchit sérieusement et ajoute : «L'inconvénient est que vous êtes plus éloigné des choses, mais en même temps, je ressens que vous ne pouvez pas vivre votre vie uniquement en fonction des opportunités de travail, donc il y a aussi un sentiment de béatitude ignorante. Quand je suis à Londres pour le week-end, ce qui arrive souvent, je ressens qu'il y a de la concurrence partout, il y a tellement de marques dont les gens peuvent parler, tellement de choses à acheter. La compétition est objective : quand vous avez un entretien d'embauche, vous ne voulez pas connaître tous les autres candidats». Bien que Gerrit ait réussi à se faire un nom en dehors des frontières de son pays, Berlin reste un espace libre où l'on peut créer et s'exprimer avec des rythmes plus humains que dans les autres pôles de la mode. Ses créations ont contribué à promouvoir la capitale allemande comme nouveau phare de l'industrie, un melting pot d'influences et de nouvelles voix qui veulent participer à la narration de l'industrie de la mode sans céder à des compromis sur les modes de fonctionnement. Célébrer son individualité, embrasser son histoire et créer des liens avec le monde qui nous entoure : l'exemple de Jacob reflète une génération de nouveaux designers qui cherchent à se faire une place dans le monde, sans essayer de le changer.