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«Être entouré des bonnes personnes, c'est une forme d'indépendance» : entretien avec Aminé

Le rappeur se confie avant son premier concert au Circolo Magnolia de Milan

«Être entouré des bonnes personnes, c'est une forme d'indépendance» : entretien avec Aminé Le rappeur se confie avant son premier concert au Circolo Magnolia de Milan

La musique d'Aminé est lumineuse comme l’été, d'un jaune vif comme le logo de sa marque Club Banana, d'un vert éclatant comme celui d’une pelouse fraîchement tondue. Nous rencontrons le rappeur quelques jours avant son premier concert à Milan, le 17 juillet au Circolo Magnolia, un événement pour lequel il se dit enthousiamé,  pas tant pour l’excitation de monter sur scène (il est en tournée depuis sept ans, donc il a pris l’habitude), mais pour la surprise de découvrir un public différent de d’habitude, à un océan de distance du soleil californien, des gratte-ciel new-yorkais, mais aussi de sa ville natale, Portland. Avec une nomination aux Grammy, un disque de platine, un album avec Kaytranada et une collaboration avec New Balance à son actif, discuter avec Aminé est en vérité une expérience extrêmement «grounding», comme disent les Américains. Son approche de la musique et de la mode est transparente, ancrée dans un fort sentiment de gratitude qui est désormais rare dans l’industrie du strass et des paillettes. Raconter comment il a appris à protéger sa tranquillité d'esprit et à se forger sa propre dimension dans le chaos renversant du monde du divertissement, Aminé révèle qu’il lui a suffi de reconnaître la beauté des petites choses du quotidien - «que ce soit un insecte sur le trottoir ou un gars random avec un bel outfit buvant un café sur le bord de la route » - et de consacrer chaque moment de son temps libre à la création.

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L’histoire d’Aminé commence à Portland, dans l’Oregon. Physiquement éloigné des centres culturels où le rap américain se développait, nous raconte le rappeur, il a dû se faire un curriculum tout seul en s’inspirant d’internet. Ce sont ces années de formation qui l’ont aidé à développer une direction créative aussi centrée sur les couleurs, nous dit-il, principalement inspirée par les films qu’il regardait alors qu’il rêvait de percer en tant que designer de chaussures. «Quand il a été question de faire de la musique, j'ai abordé la chose dans le sens où je voulais ressentir ce que les films me faisaient éprouver, c'est-à-dire coloré et plein de vie», se souvient le rappeur. En termes d'esthétique, la musique reflète également le style vestimentaire du chanteur. «Je ne suis pas quelqu’un qui aime les couleurs sombres, je ne m’habille jamais en noir», et il ajoute que bien que le monde du hip-hop soit historiquement en noir et blanc, certains artistes hors du commun comme les De La Soul et même Kanye (« quand il portait le polo rose », précise-t-il) ont été des porte-étendards de la contre-tendance.

Paradoxalement, les visuels en technicolor et même le rythme entraînant qui fusionne des éléments techno et hyperpop font office de bouclier à des paroles sombres et profondes. « J’adore écrire des paroles déprimantes sur des rythmes plus joyeux parce que c’est marrant », dit Aminé. « Il vous arrive de danser sur quelque chose que vous aimez et puis vous vous rendez compte que les paroles sont très tristes ». Un exemple récent qui l’a particulièrement frappé est Brat, le dernier album de Charli XCX qui fait le tour du web depuis sa sortie. Comme Good For You, TWOPOINTFIVE et Kaytraminé, il est passionné par le choc sensoriel entre un rythme joyeux et une réflexion sombre. « Ce n’est pas seulement de la hype », affirme-t-il, conscient que l’album de Charli XCX soit déjà devenu viral. Discutant des pressions que les artistes contemporains doivent affronter aujourd’hui pour percer dans le monde de la musique, le rappeur offre une réflexion intéressante sur la double tranchant que représentent les réseaux sociaux aujourd’hui en matière de musique. «On ne peut pas nier le fait que TikTok et la viralité sont le seul moyen par lequel la musique explose de nos jours, mais c’est une période triste pour les artistes », commente le rappeur. «On a l’impression que l’art n’est plus aussi authentique qu’auparavant, mais les meilleures choses qui plaisent aux gens sont toujours faites par accident, c'est toujours quelqu’un qui parle avec son cœur ». De la même manière, il souligne l’importance pour les musiciens émergents de ne pas essayer à tout prix de s’en sortir seuls. «Il est très important d'avoir une bonne équipe, parce qu’être avec les bonnes personnes est en soi une forme d’indépendance. Il faut trouver la bonne indépendance et ne pas la prendre au pied de la lettre».

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Malgré des morceaux qui parlent de solitude, de dépression et de nostalgie, les couleurs qu’Aminé choisit pour ses clips n’ont rien à voir avec les émotions, comme pourrait l’être le vert pour la jalousie et le bleu pour la tristesse. En nous montrant le t-shirt qu’il porte, une prochaine création de Club Banana inspirée d’un maillot de football vintage, il nous raconte qu’il aime utiliser la couleur à des fins narratives. «On peut utiliser beaucoup de couleurs pour une chaussure et le résultat est fantastique, mais le moment de plus grande fierté est quand on utilise la couleur de quelque chose qui a une histoire sentimentale derrière, comme la feuille ou l’arbre que l’on voyait grandir dans le jardin de la maison». Cette approche «naturelle» que le rappeur consacre au processus créatif de Club Banana se reflète dans sa vision consciente de la mode et de la consommation. «Toutes les marques n’ont pas besoin d’un million de paires de chaussettes», observe-t-il. «J’essaie de faire en sorte que les choses que nous réalisons soient intentionnelles et aient un but, que vous gardiez ce t-shirt parce qu’il a une signification plus importante qu’un simple t-shirt quelconque». Tandis que nous envisageons l’idée que la prochaine date d’Aminé au Circolo Magnolia inspirera le rappeur à dessiner une collection aux couleurs du jaune safran milanais, nous lui demandons ce qui le motive le plus à créer. «Si je ne crée pas, je déprime beaucoup, dit-il sans détour, mais il ajoute ensuite : «La musique est quelque chose que les gens peuvent porter en eux, bien sûr, pendant des années, mais le fait de pouvoir toucher physiquement quelque chose que nous avons créé est vraiment génial, et j’aime marcher dans la rue et voir un gamin porter mes chaussures».