
Les paparazzis sont-ils les nouveaux photographes de mode ?
Apparemment oui, selon Balenciaga et ses confrères
05 Février 2025
Si la pratique de photographier les célébrités sans leur accord, en public comme dans leur intimité, recevra le nom de paparazzi seulement dans les années 60, grâce au cinéma italien et à son grand classique La dolce vita de Federico Fellini, on peut considérer que cette discipline ait vu le jour à l’arrivée même des premiers photographes, déjà à la recherche de muses et de célébrités à capturer dans leur objectif aussi précaire soit-il. Et bien que l’art de mettre son nez chez les stars ait connu son âge d’or dans les années 2000, quand une photo trash des dérapages de Lindsay Lohan ou encore une sortie entre copine de Paris et Nicole faisaient la une des magazine, 2025 semble bien déterminée à remettre cette discipline sur le devant de la scène. Et les campagnes de mode ne sont pas là pour nous contredire. Entre nostalgie aigre-douce, fausse ingénuité, et mises en scènes assumées, les grandes marques, comme Balenciaga - avec sa dernière campagne pour l'iconique City bag - ont bien compris comment se jouer sans mauvaise intention aucune de leur public.
Fin janvier, Balenciaga présentait sa dernière campagne en date à travers des images de paparazzi du début des années 2000, modifiées numériquement pour intégrer son sac Le City d'aujourd'hui. Toute de rose vêtue, Paris Hilton apparaît son fidèle téléphone à clapet à la main aux côtés de tops-modèles phares de l’époque, d’Alek Wek, Alessandra Ambrosio, Amber Valletta, à Claudia Schiffer, en passant par Malgosia Bela, Natasha Poly et Tyra Banks. La marque a même eu l’idée ingénieuse d’ajouter un filigrane semblable à ceux des photographes officiels des stars et des tapis rouges qu’ils foulent comme getty image afin de replacer sur la ligne du temps son It-bag placés dans les mains d'icônes de l’époque. À travers diverses petites stratégies comme celle-ci, la maison s’amuse sans vergogne à faire jouer la corde sensible de la nostalgie et du « c’était quand même mieux avant », quand il suffisait d’enfiler son ensemble juicy couture pour être la plus cool et de mettre sur son nez ses lunettes de soleil aux verres teints en rose pour voir la vie sans nuage et sans problème. Mais là n’est pas la question, car si cette campagne iconique nous donne effectivement envie de faire un retour dans le temps pour écouter du Hillary Duff et nous refaire tous les épisodes de The simple life, reconcentrons-nous un instant sur son sujet principal : la paparazzade.
Déjà en 2018 pour la collection printemps-été, Demna élaborait pour Balenciaga une mise en scène digne d’un oscar, dans une campagne à travers laquelle les mannequins semblaient en plein exode, en courant et se cachant le visage pour fuir à l’objectif menaçant et curieux des photographes. Mais Balenciaga, qui à chaque campagne s’amuse un peu plus à en redéfinir l’essence même, avec des shootings réalisés à l’Iphone un gros doigt devant l’objectif ou des photos d’un faux front-row, n’est pas la seule à se mettre dans la peau d’un paparazzi assoiffé de gossips pour présenter ses pièces et collections. Bottega Veneta, en octobre 2023, alors que Matthieu Blazy figurait encore à la tête de sa direction créative, présentait quelques-unes de ses créations de la collection pre-spring 2024 de la manière la plus futée qu’il soit. Après avoir habillé en Bottega Veneta de la tête aux pieds ses ambassadeurs A$ap Rocky et Kendall Jenner, il les envoya faire de courtes, simples mais efficaces apparitions, comme un jogging matinal, une sortie shopping ou encore une balade avec le chien dans les rues de Los Angeles, entraînant des inévitables mais bien calculés clichés qui firent le tour d’internet.
Cette campagne, ou peut-être expérimentation si l’on veut, aura mené à une conclusion : le public prête presque plus attention à ces photos natures peintures et aux tenues portées par les stars dans leur “vraie vie” qu’aux clichés réalisés entre les quatre murs tristement blancs et austères d’un studio photo. Une nouvelle plutôt réjouissante, qui prouve que les consommateurs orientent leur attention petit à petit vers la spontanéité et la vie, la vraie (bien que derrière celle représentée ici ne soit pas tout à fait réelle). Un autre phénomène confirmant notre théorie est celui de l'ascension des campagnes coulisses, ces campagnes qui montrent l’envers du décor et brisent quelque peu la glace qui sépare les mannequins des consommateurs. Car comme l’écrivait déjà nss en octobre dernier, le véritable show se déroule en coulisse. Peut-être les consommateurs en ont-ils marre de voir des images représentant un idéal inatteignable, peut-être est-il plus facile pour eux de se visualiser portant et rentabilisant un gros pull en laine si Kendall Jenner le porte pour faire ses courses. Ou peut-être que, au contraire, voir Tyra Banks se faire photographier dans les rues de New York un City Bag au bras donne envie au client de s’en procurer un pour se sentir l’âme d’un modèle off-duty montant dans son taxi.
En tout cas, quelle que soit la nature de cet attrait nouveau pour l'authenticité, la campagne Balenciaga City Paparazzi, ses photos faussement actuelles plus vraies que natures ainsi que toutes ses petites manigances certes pas cachées mais bien réelles prouvent que mêmes les photos les plus candides et les posts les plus naturels ne sont pas un reflet de la réalité. Nous en avons eu la preuve formelle il y a de cela quelques jours, alors que Ryan Reynolds appelait une fausse horde pas du tout crédible de de paparazzis pour redorer son image entaché par les dramas actuels concernant sa femme. Même si on doute fortement que le paparazzo de Fellini ait été intéressé de près ou de loin par des clichés de Paris Hilton, la campagne Balenciaga, toutes celles qui l'ont précédées et celles qui suivront sont une piqûre de rappel que mêmes les clichés les plus vraisemblables, peuvent en fait être un tissu de mensonge, ou encore dater d’il y a plus de 20 ans.