Y/Project ferme ses portes

Y/Project a annoncé aujourd'hui sa fermeture définitive après avoir échoué à trouver des investisseurs. Parmi les nombreuses fermetures de marques indépendantes qui ont frappé le monde de la mode, dont les victimes incluent également The Vampire’s Wife et Dion Lee, la marque française est peut-être le nom le plus illustre à dire adieu à la scène de la mode. On se souviendra de la marque principalement pour avoir mis en lumière l'un des talents les plus polyvalents de la mode contemporaine, Glenn Martens, qui l'a dirigée pendant 13 longues années, remportant le prix ANDAM et le LVMH Prize, et succédant au cofondateur Yohan Serfaty, dont il avait été l'assistant. Dans la deuxième moitié de 2024, la marque avait non seulement perdu l'autre cofondateur Gilles Elalouf mais aussi le PDG Pascal Conte-Jodra et Martens lui-même, qui, après l'énorme succès de Diesel, pourrait maintenant être pressenti pour la direction créative de Maison Margiela. Pour ajouter l'insulte à l'injure, comme révélé par WWD, le fonds d'investissement AA Investments basé à Hong Kong s'était proposé d'acquérir la marque pour 45 000 euros – une somme ridicule sur laquelle les dirigeants de la marque n'ont pas voulu commenter.

La marque fera maintenant don de certains de ses looks d'archives les plus importants aux musées de mode les plus prestigieux au monde : le Metropolitan Museum of Art de New York, le MoMu d'Anvers, le Palais Galliera et le Musée des Arts Décoratifs de Paris. Un destin triste sans aucun doute pour une marque qui, spécialement au cours des cinq dernières années, non seulement avait réussi à entrer en dialogue avec les poids lourds de la mode, collaborant à la Haute Couture de Jean-Paul Gaultier et habillant des célébrités comme Rihanna et Kylie Jenner, mais avait aussi rapproché de nombreux jeunes passionnés de design d'une esthétique anticonventionnelle et avant-gardiste. Il reste néanmoins vrai que sa renommée était désormais indissociablement liée à celle de Glenn Martens (on pourrait presque avancer que, avec le temps, c'est le designer qui a attiré les projecteurs sur la marque, et non l'inverse) et que, par conséquent, sa survie aurait de toute façon été compromise par son départ. 

Contrairement à tant d'autres marques plus ou moins historiques maintenues en vie par ce que l'on pourrait appeler un « acharnement financier » dans un cycle continu de fermetures et de relances, Y/Project était peut-être celle qui méritait le moins de recevoir le proverbial coup de hache. Le statut culte qu'ont assumé bon nombre de ses produits, comme plusieurs modèles de jeans et les pulls trompe-l'œil, pourrait néanmoins ne pas exclure une éventuelle relance dans le futur. Et si la décision de fermer a sans doute été forcée par les circonstances, elle reste néanmoins courageuse, comme celle prise il y a des années par Raf Simons : mieux vaut conclure ses opérations dignement et quitter la scène comme un invité admiré et respecté que de se vendre et ruiner ce qui a été construit pendant de longues années de travail.