L'ôde à la mode expérimentale de Courrèges dans sa collection SS25
Quand rétro-futurisme et minimalisme se rencontrent dans une danse hypnotique de style et d'innovation
26 Septembre 2024
Hier, dans le décor froid et austère du Carreau du Temple à Paris, la présentation de la collection SS25 de Courrèges réchauffait les cœurs de tous les amateurs de mode et d’avant-gardisme. Sur le son satisfaisant de billes qui s’entrechoquent s’avance le premier mannequin vêtu d’un manteau cocon en cuir noir, semblable à une petit chenille à l’aura sombre qui ne demande qu’à s’émanciper de sa condition. Le son des billes se retire doucement pour laisser place à Born splippy d’Underworld, un rythme techno des années 90 sur lequel s'enchaînent ensuite les silhouettes suivantes, dans en spectacle tout en fluidité. Des silhouettes qui se suivent et se ressemblent, mais qui esquivent étrangement la redondance, proposant plutôt une évolution croissante et innovante d’une seule et même idée. Les cycles et les répétitions sont les principaux protagonistes du show, l’esthétique rétro-chic est présentée sous un nouveau jour et l’ADN spatial de la Maison Courrèges est respecté, tout en étant enjolivé d’une pointe de modernité.
Après l’ouverture du bal par les fascinants manteaux occulteurs, le corps se découvre et la peau apparait, enveloppée de looks à la silhouette rigide mais pas stricte, à la coupe droite et nette, faits de tissus tantôt opaques, tantôt transparents, dans une palette de couleurs allant du noir (principal leader du défilé) au crème, en passant par le blanc cassé. La taille basse et les tops bandeaux rappelant curieusement une bande de censure sont partout, accompagnés de sandales à talons montant parfois jusqu’en dessous des jupes, prenant ainsi l'allure de leggings, et parfois de lunettes de soleil surdimensionnées en monture en D et en œil d'insecte, une version actualisée de celles appartenant à la FW24. Les tenues qui exposent sans vulgarité aucune le corps des mannequins semblent être composées de deux pièces mais se révèlent en fait être monolithiques une fois qu’on leur accorde l’attention méritée. Les mannequins paraissent revenir tout droit d’une soirée techno de l’espace, mais pas d’allure débridée et de mascara qui coule au programme, juste des looks épurés, propres et lisses dans lesquels on se verrait bien danser jusqu’au bout de la nuit.
Toute la collection a été pensée et réalisée à partir d’un seul et même point de départ : une cape d'archives en satin duchesse du défilé de FW62 d'André Courrèges. En effet, des éléments du Space Age qui ont donné à Courrèges le prestige et la renommée dont la marque jouit aujourd’hui ne pouvaient pas manquer. Certains éléments caractéristiques de la collection Moon Girl, qui a marqué l’envol de la marque en 1964, étaient bien entendu présents, comme les armatures dans les ourlets, les trench droits ou encore les tops ouverts sur les côtés au col montant. Nicolas Di Felice, actuel directeur créatif de Courrèges, avait pour idée à l’origine de présenter dans cette collection 40 modèles identiques, mais a vite changé d’avis, laissant ainsi place à un travail en cycle dans lequel évolue sa version moderne de la cape de 1962. De son interprétation, il n’en existe pas une seule et unique version : elle se transforme inlassablement en capuche aux volumes exagérés, en robe dos nu, en pantalon chauve-souris et bien plus encore. Une constante répétition qui défie les lois de l’ennui et prouve que déclinaison ne rime pas avec redondance. Les géométries sont articulées, les formes sont maîtrisées, l'esthétique est immaculée, et le public est bouche-bée. Dans cette collection, Di Felice a su allier passé, présent et surtout futur par son approche toujours avant-gardiste et futuriste de la mode, le tout mêlé à un minimalisme ultra moderne et à l’insertion d’éléments post-apocalyptiques qui nous font nous questionner quand à la dimension spatio-temporelle dans laquelle ses créations nous emmènent.