Qu'adviendra-t-il de tout ce tenniscore ?

Depuis que Challengers a fait entré le tennis dans la mode, avec Zendaya portant du Loewe et du Thom Browne lors de sa tournée promotionnelle et des marques comme Skims lançant des collections inspirées de cette discipline, l'esthétique du sport est devenue la tendance de l'été. Même la marque dont Roger Federer est associé, On, qui vient d'annoncer avoir comme nouvelle ambassadrice l'actrice principale du film de Guadagnino, a récemment collaboré avec BEAMS créant une paire de chaussure pensée pour le terrain de tennis et au-delà. La mode du tennis a beaucoup changé au fil des décennies, mais qu'il s'agisse d'une raquette Chanel ou d'une chemise blanche Lacoste, son style a toujours été associé au quotidien des privilégiés. Même dans les séries télévisées, cette question de classe se reflète, comme dans «Palm Royale», où la protagoniste, Maxine Dellacorte, qui tente de s'immiscer dans la vie des riches et célèbres, doit admettre sur le terrain qu'elle connaît à peine le jeu.

Zendaya x On

Skims

La mode a toujours été fascinée par les uniformes de tennis : il y a deux ans, Miuccia Prada a décidé de célébrer la collection FW22 de Miu Miu dans un club de tennis à New York. La collection elle-même empruntait de nombreux éléments à l'habillement traditionnel de la discipline, s'éloignant des proportions et accessoires habituels de la tenue blanche. En parlant de son retour constant aux uniformes, Prada a déclaré dans une interview avec Katie Grand pour System que, «C'est quelque chose d'officiel que vous présentez (dans un uniforme). Et vous n'avez rien à dire à personne sur vous-même». Les uniformes, probablement plus que tout autre vêtement, deviennent des marqueurs implicites d'identité et de classe sociale. Le tenniscore est après tout pratiquement synonyme de quiet luxury, qui détenait le monopole l'année dernière après la fin de «Succession» – des jeux comme le golf, le cricket et le tennis étaient des passe-temps pour l'élite, qui créait ses propres codes vestimentaires pour l'occasion. Le blanc a été choisi comme couleur des vêtements pour soutenir «la modestie et la pureté», écrit Robert J. Lake dans The Social History of Tennis in Britain et «surtout pour les femmes, maintenir les joueurs au frais et cacher les taches de sueur». Cela est clairement visible dans «Challengers», où Art Donaldson, qui lutte pour maintenir sa position, exerce un contrôle énorme sur son image avec des chemises blanches impeccables Uniqlo qui représentent sa personnalité stoïque, concentrée et impassible – tandis que son adversaire Patrick Zweig, avec un débardeur noir, sale et en désordre d'une marque inconnue comme Impatto, montre qu'il a à peine les moyens de s'en sortir.

De nombreuses marques qui ont lancé des vêtements inspirés du tennis ont presque unanimement décidé de travailler avec le blanc comme couleur de base. La collection Resort 2025 de Tibi, filmée sur un fond blanc qui se déplace dans le vent révélant un terrain de tennis, rappelle beaucoup l'école privée avec des emblèmes sur des blazers sombres, assortis à une jupe blanche ou une chemise plus claire. L'épitomé du luxe discret, Brunello Cucinelli, a réalisé une collection capsule SS24 inspirée par la discipline avec des lignes épurées et des silhouettes taillées nettes en blanc. La collection de tennis SS23 de Celine a flirté avec les vêtements de sport décontractés, assortissant un débardeur avec la légèreté d'un jean – encore une fois principalement composée de blanc, tandis que la ligne de Sporty & Rich sortie le mois dernier dégageait une énergie chic de Wimbledon. «À Wimbledon, vous devez jouer tout en blanc, ce qui est un marqueur de sport 'civilisé',» réfléchit l'écrivaine Lauren Cochrane, «Contrairement au football, où les joueurs sont couverts de boue et donc, sales, pas aussi présentables ou respectables. Je pense que c'est pour cela que la tendance est plus populaire auprès des marques de haute couture – c'est plus facile à digérer pour elles.» Le choix du blanc est intéressant car la plupart des tournois de tennis se sont maintenant éloignés de la tradition pour aller vers des itérations plus colorées – comme le t-shirt à étoiles des États-Unis sur Jennifer Capriati de FILA ou la robe léopard des US Open 2014 portée par Serena Williams. Pourquoi alors les marques continuent-elles à utiliser le blanc lorsqu'elles parlent de tennis ? ? «Certaines disciplines comme le football ou peut-être le basket-ball ont une base de fans plus large», explique Cochrane, «Le cricket et le tennis tendent à avoir une base de fans plus aisée, ce qui signifie que les marques de luxe s'adressent directement à eux.» Cucinelli, qui selon les dires crée des «uniformes pour les riches», a souvent été vu dans Succession, aux côtés d'autres marques de quiet luxury comme Loro Piana et The Row.

Serena Williams

Venus Williams

Venus Williams

Chris Evert

Brunello Cucinelli

Brunello Cucinelli

DSquared2 SS24

Lacoste Fall 2024

Au fil des ans, le tennis a cessé de n'être qu'un sport pour les country clubs et les arrières-cours des élites. Certaines marques ont choisi de s'éloigner du blanc normatif pour se diriger vers des designs plus audacieux et bruyants, amenant le tennis dans le royaume du streetwear. Lacoste est entrée à la Paris Fashion Week en mars, présentant entre autre un de leurs pulls, bien que toujours sur une base blanche, décoré de lettres audacieuses proclamant qu'il s'agissait d'un championnat de tennis avec une teinte plus bruyante de vert accompagnée de rayures bleues. Un look de la collection SS24 de Dsquared2 présentait quant à lui un pull court au-dessus d'un maillot de tennis intitulé Toronto Tennis Club, assorti à un jean – le maillot de tennis n'est clairement plus le focus, et il s'est transformé en vêtement quotidien, comme un fan porterait un maillot de football, qui devient une proclamation de fandom plus qu'autre chose.