Marvel, où en étions-nous ?

Lorsque Anthony Mackie, le nouveau Captain America, est passé par Rome pour présenter le film du MCU, Brave New World, il a tenu à préciser que l’univers des super-héros n’avait subi aucun re-branding, mais qu’exactement comme Le Premier Vengeur en 2011, il s'agissait juste d'un (nouveau) départ. Il ne pourrait en être autrement, vu la longue pause de réflexion que Marvel s’est accordée, mettant son univers en veille pendant un an en ne dédiant qu’une seule sortie cinématographique à Deadpool & Wolverine, tout en devant affronter la crise du box-office - surnommée "fatigue des super-héros" - après les échecs de Ant-Man and the Wasp: Quantumania et The Marvels, tous deux des flops de 2023, ainsi que le contrecoup de l’arrestation et du procès de son méchant choisi, le Kang de Jonathan Majors. «Nous savons tous qu’il serait impossible d’égaler Infinity War ou Endgame, ne serait-ce que parce que lorsqu’une chose s’appelle "Endgame", tu sais bien que tu ne peux pas revenir en arrière. C’est la fin du jeu. Comment recommences-tu à zéro ?». La réponse, selon l’acteur, réside justement dans Captain America: Brave New World, mais rien ne garantit que ce soit le cas pour le public. «Si l’on regarde la fondation de son univers - poursuit l’acteur - Ce film ressemble beaucoup à Le Premier Vengeur. Il se trouve au même point de départ et est utilisé pour poser la prochaine montée en puissance et atteindre un sommet, comme ce fut le cas pour Endgame. C’est une pièce nécessaire aux différentes intrigues afin de pouvoir présenter la génération suivante et amorcer la phase suivante».

En effet, Brave New World n’est même pas le premier film de la prochaine phase du MCU, mais se situe à la toute fin de la cinquième phase, débutée en février 2023 avec le troisième film d’Ant-Man et qui se conclura avec le prochain Thunderbolts prévu en mai. La position du trente-cinquième film de Marvel est ambiguë, tout comme son arrivée à un moment de stagnation pour le MCU, qui, bien que convaincu de pouvoir panser les blessures infligées par les films post-Endgame - inévitables car marquant la clôture d’une ère - fait semblant d’oublier qu’il a un personnage et un acteur dépourvus de charisme, usant d’une arrogance nécessaire pour ne pas sombrer définitivement. Et ce n’est pas simplement parce que «Tu n’es pas Steve Rogers», comme il lui est dit dans le film, car même Chris Evans n’était pas la star qu’il est devenu ensuite, portant sur ses épaules (et avec son bouclier) le personnage auquel il devra toujours sa notoriété. Mackie incarne un protagoniste qui ne fonctionne pas comme protagoniste. Il est meilleur en tant que second rôle comique ou en binôme - un exemple en est l’une des rares séries dignes de Marvel sur Disney+, Falcon and the Winter Soldier - mais ici, il porte seul ce film hybride par sa position temporelle et l’absence d’une véritable star pour briller dans le rôle de Captain America, faisant de Brave New World une tentative prudente et discrète d’avancer.

Juste un petit pas supplémentaire pour tenter d’atteindre au moins la réouverture effective d’un espoir pour le MCU, Les Quatre Fantastiques - Les débuts, prévu pour 2025 et premier film de la Phase 6, qui, pour aller de l’avant, a déjà cinq films Avengers en programmation, ainsi qu’un autre centré sur le personnage le plus aimé de Marvel, Spider-Man. Avec Captain America: Brave New World, il s’agit de serrer les dents, d’arriver sans trop trébucher jusqu’en juillet prochain, où le public sera accueilli à bras ouverts non seulement par certains des héros les plus appréciés des comics Marvel, mais aussi par trois des quatre personnages qui sont des visages capables, à eux seuls, d’attirer les foules, formant ainsi une véritable puissance/alliée. C’est le secret de leur "famille", concept qui semble être au cœur du film, et dont font partie Pedro Pascal, Joseph Quinn (ensemble dans Gladiator 2), Vanessa Kirby et "Oncle Richie" de The Bear, Ebon Moss-Bachrach. Le MCU se trouve donc dans une phase de pure résistance, ce qui est évident, y compris dans la stratégie marketing de dévoiler dès la promotion le grand rebondissement du film. Peut-être la seule solution pour contrer les projections tests qui ne faisaient qu’engendrer du mécontentement auprès du public, au point de nécessiter plusieurs reshoots supplémentaires, repoussant sa sortie de juillet 2024 à février 2025.

Harrison Ford, qui reprend le rôle de Thaddeus Ross à la place du regretté William Hurt, est le fameux Hulk Rouge et constitue, en toute logique, le seul véritable moteur de promotion du film pour Marvel. Révélant un mystère qui, aux grandes heures du MCU, aurait été préservé jusqu’à la découverte progressive des secrets gardés pour le film, une récompense pour ceux qui auraient patiemment attendu la fin et qui, pour éviter d’être spoilés sur la grande révélation - élément typique des films Marvel (parfois même trop) - se seraient précipités au cinéma dès le premier week-end. Une manœuvre évidente, d’autant que la transformation s’effectue lentement et graduellement dans le film, déclenchée par un agent externe (que nous ne nommerons pas, mais qui figure dans la liste du casting sur Wikipédia), qui, pour anticiper cette sorte de relance du MCU, se rattache à des événements du passé. Un passé tellement lointain que certains ne s’en souviennent même pas, et qui aurait pu être habilement relié à Captain America: Brave New World si l’objectif avait été de faire véritablement table rase avant de relancer tout l’univers. Mais ce pas, manifestement, n’a pas été franchi, prolongeant ainsi la question : quand Marvel redeviendra-t-il grand ? En y ajoutant probablement un "si". Quand et si Marvel redeviendra grand.