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Les émissions de télé-réalité doivent-elles être politisées ?
Quand le petit écran reflète de grandes questions
31 Janvier 2025
Le week-end dernier, 3,95 millions de téléspectateurs ont vibré devant la finale tant attendue de la Star Academy, jusqu’à ce que Nikos Aliagas révèle que c’est Marine, jeune femme nordiste, la grande gagnante de cette 12ème édition. Pourtant, pour Ebony, deuxième finaliste du télé-crochet, la victoire de sa collègue d'aventure n'a pas seulement signifié sa défaite. Tout au long de son parcours, la jeune femme noire a été la cible d'une vague de haine virulente qui a atteint son apogée à l'approche du dernier prime décisif. Si une partie du public ainsi que des personnalités engagées n’ont pas hésité à dénoncer ces discriminations racistes et mysogines, certains ont crié au scandal d'une autre façon, considérant qu’il ne fallait pas mélanger politique et divertissement. Mais dans un tel contexte, y a-t-il encore du sens à distinguer les deux catégories?
Souvent associés aux «plaisirs coupables», les télé-réalités promettent un moment de pur divertissement, dénué de toutes réflexions profondes pour permettre une pause cérébrale après une longue journée de travail. Love is blind, Un Dîner presque parfait, Danse avec les Stars,... ces émissions offrent des moments coupés de notre quotidien bombardé par les infos déprimantes et les injustices sociales. Dans le même esprit, la Star Academy offrait un rendez-vous chaleureux, où l’on suivait des jeunes aux yeux pleins d’étoiles, travaillant sans relâche pour réaliser leur rêve de devenir chanteur ou chanteuse. Pourtant, sous ses airs nostalgiques innocents et amusants, la dernière saison du télé-crochet a été fortement entachée par des polémiques racistes et sexistes concernant Ebony. La jeune femme d’origine antillaise a subi du cyber harcèlement sans nom sur les réseaux sociaux, allant des commentaires critiquant son physique à des comparaisons avec des singes. Cette vague de haine était tellement grave que SOS racisme, La Maison des potes et Endemol, la société de production de l’émission, ont été contraint de déposer une plainte. Dans ce chaos, Aya Nakamura a apporté son soutien publiquement, aux côtés de l’influenceuse engagée Sally qui a publié une vidéo expliquant ce qu’est la misogynoir qu’Ebony et d’autres femmes noires médiatisées subissent.
En quelques mots, la mysoginoir est un concept sociologique qui décrit la discrimination spécifique que les femmes noires vivent dans notre société, combinant à la fois racisme et sexisme. Cette discrimination s’exmprime à travers des stéréotypes tels que celui de la «femme noire agressive». Dès que les femmes noires se montrent confiantes et pleines d’assurance, - surtout quand il s’agit de personnalités publiques-, elles sont systématiquement décrites comme agressives, imbues d’elles-mêmes ou trop ambitieuses. C’est le cas d’Aya Nakamura, Rokhaya Diallo ou encore de Serena Williams. Leurs physiques sont également scrutés, souvent comparés à des guenons ou à des hommes, ce qui est d'une violence incontestable. Si des candidates d’émissions de téléréalité vivent ce genre d’abus, est-il éthique d’en faire abstraction au nom du divertissement? Peut-être en fait qu’il s’agit justement l’occasion d’ouvrir des débats sur des questions primordiales de notre société à travers des canaux légers et accessibles. Car oui, les questions politiques font partie intégrante de notre société, de notre existence-même et les émissions de divertissement n’y échappent pas.