Qu'est-il en train d'arriver à l'artisanat français ?

D’après l’UNESCO, des produits peuvent être considérés comme artisanaux si et seulement si ils sont  « fabriqués par des artisans. Soit entièrement à la main, soit à l’aide d’outils à main ou même de moyens mécaniques, pourvu que la contribution manuelle directe de l’artisan demeure la composante la plus importante du produit fini ». Si l’on prend en considération tout le vin, le savon de Marseille, la fleur de sel mais aussi la soie, le lin et bien d’autres trésors encore que la France produit chaque année à la sueur de son front, on peut dire qu’elle se positionne assez bien en matière de savoir-faire. Et les chiffres le prouvent également : selon le rapport de l’Institut pour le Savoir-Faire Français, l’artisanat en France aurait cette année cumulé un chiffre d’affaires s'élevant à 68 milliards d’euros, créant de l’emploi pour pas moins d’un demi-million de personnes. Des chiffres qui dépassent carrément ceux de l’industrie pharmaceutique, qui génère quant-à-lui 62 milliards d’euros. 

Pour pousser l’analyse plus loin, l'Institut pour les Savoir-Faire Français a cette année entrepris de quantifier la valeur des activités manuelles, en menant une vaste enquête sur les artisans qualifiés, tels que les ébénistes, les tailleurs de pierre, les maroquiniers, les tisserands, les souffleurs de verre et bien d'autres encore, prenant en compte 234 000 entreprises. Que de secteurs qui représentent pas moins de 500 000 travailleurs en France, parmis lesquels on compte 280 000 salariés, avec 198 métiers d'art et 83 spécialités dans des secteurs tels que le luxe et la mode, l'architecture et la décoration d'intérieur, les arts du spectacle et la restauration du patrimoine, reconnus par le gouvernement français. Si les exportations représentent 9 milliards d'euros, soit 14 %, elles sont surtout le fruit du travail de grands groupes. Les micro, petites et moyennes entreprises représentant quant à elles près de 90 % des revenus du secteur. En ce qui concerne les localisations de tous ces acteurs sur le territoire français, huit entreprises sur dix sont basées en dehors de Paris, avec des spécialités régionales fortes telles que la production de maroquinerie dans le sud-ouest de la France, la verrerie dans le nord-est et la céramique en Provence.

Mais ce n’est pas tout. certaines des conclusions du rapport sont étonnantes : 55 % des chefs d'entreprise sont des femmes et près de 40 % des employés ont moins de 35 ans. « Contrairement aux idées reçues, les jeunes sont également attirés par l'artisanat, mais il reste encore beaucoup à faire », explique Jérémy Robiolle à WWD, ajoutant que davantage de formations et de lumière braquée sur le sujet sont primordiales. Selon le rapport, les entreprises françaises actives dans le domaine de l'artisanat visent à recruter entre 50 000 et 55 000 personnes en 2024. À elles seules, les entreprises du secteur du luxe cherchent à pourvoir 20 000 postes, explique Bénédicte Epinay, directrice générale du Comité Colbert. « Cette étude est aussi un avertissement pour rester très vigilant, car le secteur au sens large est fragile à bien des égards », ajoute-t-elle. « Elle aidera les chefs d'entreprise de notre secteur à prendre conscience de leur poids réel dans l'économie française », précise Xavier Long, directeur adjoint de l'Institut pour les Savoir-Faire. « Tous n'en sont pas conscients ou sous-estiment parfois leur propre importance. Ils peuvent être fiers de ce qu'ils font ». 

Si le secteur du luxe du monde entier est actuellement en train de connaître une crise rarement rencontrée, qui n’a pas épargné les grandes personnalités du luxe et du savoir-faire de la mode française, il est bon de se rappeler, par le biai d’études telles que celle présentée ci dessus, que l’artisanat est un moteur pour la France et son économie. À une ère où 22% des colis livrés par la poste dans les boîtes aux lettres des Français proviennent de Tému et Shein, n’oublions pas qu’il n’y a pas besoin de commander sur des sites chinois des articles de piètre qualité, nocifs pour la santé que l’on remplacera le mois prochain, alors que nous vivons dans un pays qui regorge de petites mains qui ne demandent qu’à créer des produits de qualité. On ne sait pas exactement ce que l’Unesco et sa définition aurait à dire sur les produits français, mais une chose est sûre : la France peut-être fière de ses artisans.