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Magritte à la conquête de New York

Un chef-d'œuvre surréaliste prêt à battre des records chez Christie's

Magritte à la conquête de New York Un chef-d'œuvre surréaliste prêt à battre des records chez Christie's

Le monde de l'art est souvent une valse entre la valeur monétaire et la valeur esthétique. Ce mois de novembre, lors d'une vente aux enchères chez Christie's à New York, cette valse pourrait atteindre son apogée avec L'empire des lumières de René Magritte, estimée à plus de 95 millions de dollars. Cette œuvre, qui pourrait bien établir un nouveau record pour le maître surréaliste belge, est une pièce maîtresse qui transcende les simples chiffres. Elle nous parle de lumière, d'obscurité, et surtout, de l'héritage culturel que l'art peut porter. 

 

Le tableau, réalisé en 1954, appartient à une série emblématique dans laquelle Magritte jongle avec les notions de jour et de nuit. Chaque œuvre de la série, qui en compte 27, nous plonge dans un univers où un ciel ensoleillé cohabite avec des scènes nocturnes. Ce contraste, ce jeu entre l’ombre et la lumière, est caractéristique du travail de Magritte, qui s'efforçait de questionner notre perception de la réalité. Si L'empire des lumières parvient à atteindre ou dépasser son estimation, il ne s'agira pas seulement d'une victoire pour Christie's, mais d'un signe que le marché de l'art, malgré les tempêtes économiques, conserve un appétit insatiable pour les chefs-d'œuvre. En effet, en 2022, une autre toile de la même série a presque triplé le précédent record de Magritte, atteignant 79,7 millions de dollars chez Sotheby’s. Ce regain d'intérêt pour l'art surréaliste, particulièrement dans un climat où les ventes aux enchères dans l'ensemble de l'industrie ont chuté, témoigne de la résilience de ce genre artistique qui continue d'exercer une fascination indéfectible.

Mais l'attrait de cette vente ne repose pas uniquement sur le tableau lui-même. Il est également inextricablement lié à l'histoire de Mica Ertegun, l’illustre décoratrice d’intérieur et collectionneuse d’art, dont l'héritage sera mis en lumière à travers cette vente. Ertegun, qui a vécu jusqu'à 97 ans, a consacré sa vie à l'art, à la culture et à la philanthropie, en accumulant des œuvres qui reflètent sa vision esthétique unique. Parmi les autres pièces de sa collection figurent des œuvres de Joan Miró et de David Hockney, ainsi qu'une chaise longue d'Ingrid Donat. Max Carter, vice-président chez Christie's, a souligné que L'empire des lumières capture parfaitement l'esthétique de Mica. Dans son équilibre et sa finesse, cette œuvre devient le miroir de son œil artistique. Cette approche holistique de la collection d'Ertegun, qui juxtapose le surréalisme, le modernisme et même des éléments de Pop Art, est particulièrement révélatrice, nous rappellant que l'art n'est pas seulement une question de valeur monétaire ; il est aussi une question de dialogue entre les époques et les mouvements.

Ce qui rend cette vente encore plus significative, c'est l'intention philanthropique qui l'accompagne. Une part importante des recettes sera affectée à des initiatives que Mica Ertegun soutenait de son vivant, notamment le Programme de bourses d'études supérieures en sciences humaines à l'université d'Oxford et le Fonds mondial des monuments. Ainsi, chaque dollar dépensé lors de cette vente ne représentera pas seulement un investissement dans une œuvre d'art, mais également une contribution à des causes qui ont profondément marqué sa vie. Cette évolution dans la perception de l'art comme un moyen d'engagement social reflète une volonté collective de redéfinir ce que signifie collectionner. Au-delà des possessions matérielles, il s'agit de construire un héritage qui dépasse les simples transactions financières. Dans un monde où les incertitudes économiques prévalent, cette toile rappelle que certaines choses, comme la beauté et l'engagement envers le bien commun, peuvent toujours trouver leur place dans nos vies. Cette vente, qui commence le 19 novembre et se termine le 18 décembre avec une vente en ligne, promet d'être un moment clé dans le calendrier artistique de 2024.