La culture du gym bro est-elle increvable?
Entre gonflette et TCA, pas sûre qu'ils valent leur pesant d'or
20 Août 2024
Malgré l’avènement du body positivity, il semble que l'obsession d’avoir un corps «parfait» atteint son paroxysme en 2024. Prendre soin de son corps est devenu un impératif omniprésent sur les réseaux sociaux. Par exemple, en France, l’influenceur fitness Tibo InShape est devenu le youtubeur le plus suivi cette année avec 22 millions d’abonnés. Manger un petit déjeuner protéiné, faire 10 000 pas par jour, aller à la salle au moins 5 fois par semaine, tels sont les conseils donnés par les «gym bros». Ces hommes, dont la vie tourne autour de la salle de sport, sont devenus des memes incontournables sur internet. Souvent qualifiés d’arrogants, obsédés par leurs physiques et imbus d’eux-mêmes, y aura-t-il un jour où les gym bro vont disparaître?
Bien qu’il soit difficile de déterminer une date précise, le terme «gym bro» serait apparu dans les années 70, à l’époque de l’âge d’or du bodybuilding. Des personnalités comme Arnold Schwarzenegger ou Lou Ferrigno ont contribué à l’établissement d’une culture où le fitness est au centre de la vie. Aujourd’hui, avec l’apparition des influenceurs fitness sur les réseaux sociaux, le concept de «gym bro» s’est morphé pour définir les hommes qui accordent une importance cruciale au fitness, dans le but d’être le plus musclé possible. Pour certains, la culture du gym bro se présente comme un mode de vie sain qui met en avant la santé, la motivation et la discipline. Cependant, les pratiques telles que mesurer au gramme près sa nourriture, compter les calories, faire du sport à l’excès sont des attitudes associées au troubles des conduites alimentaires. La toxicité réside dans la manie d’atteindre une certaine morphologie, ignorant d’autres facteurs comme la santé mentale, qui sont primordiaux pour un bien-être holistique.
Surveiller sa consommation de manière excessive pourrait également déclencher une orthorexie, une obsession pour une alimentation propre et saine qui pousse la personne à éprouver de la culpabilité et de la honte si elle s'écarte de son régime rigide. Selon USA Today, en raison de sa nature restrictive, ce trouble aurait en fait les mêmes conséquences physiques que l'anorexie, notamment la malnutrition, l'insuffisance cardiaque, l'inattention, la baisse des hormones sexuelles ou l'insuffisance rénale. Bien que le concept de «gym girl» existe chez les femmes, il est bien moins populaire que son correspondant masculin. Ceci pourrait s’expliquer par la relation vicieuse qu’entretiennent la culture du gym bro et la masculinité toxique. Dans notre société patriarcale, la masculinité toxique exacerbe la culture du gym bro qui définit la dominance physique et politique comme l’une des seules manières d’exister pour les hommes. Sur internet, les personnalités «alpha male» telles que Andrew Tate qui répandent des théories masculinistes parviennent à construire une fanbase masculine conséquente.
Mise à part imposer sa dominance, de nombreux gym bro vont à la salle dans le but d’attirer les femmes. En effet, dans l’imaginaire collectif des hommes, les femmes sont attirées par les hommes musclés et par conséquent «virils». Cependant, il se trouve que «les hommes pensent se muscler pour les femmes mais en fait ils se musclent pour les hommes». Sur TikTok, une vague de contenus expliquant la différence entre le male gaze (regard masculin) et le female gaze (regard féminin) est apparue récemment pour expliquer ce phénomène. Dans une vidéo devenue virale, @torres.alejandro avait interpellé TikTok afin de comprendre pourquoi il arrivait à avoir plus de matchs sur les applis de rencontre avec des photos dites «normales» que lorsqu’il postait des selfies à la salle de sport où il était super musclé. Des créateurs ont expliqué que le regard masculin est fortement ancré dans l'apparence physique alors que le regard féminin a tendance à se concentrer sur la façon dont le caractère d'une personne fait ressentir des émotions à l’autre. La culture du gym bro ne s’agit pas d’une tendance éphémère mais est plutôt l’ expression d’une société patriarcale qui entremêle la masculinité toxique, les réseaux sociaux et les troubles de comportement alimentaire. Il est difficile de prédire la possibilité de l’extinction complète des gym bros mais ce qui est certain c’est qu’il nécessitera pour les hommes de complètement changer de perspective sur leur image et leur définition de la masculinité.