Les 10 commandements de la mode pour 2025

Si les premières bonnes résolutions remontent officiellement à l’ancienne Babylone, on peut dire que celles-ci sont d’usage depuis que l’être humain a commencé à vouloir se donner bonne conscience. De la volonté à reprendre le sport à celle d’être plus dans le moment présent en passant par l’objectif de tisser des liens avec sa belle-famille, les bonnes résolutions, même en 2025 sont encore et toujours là, tel un petit diable sur notre épaule qui nous dit que l’on a échoué si l’on saute une séance de pilates dès le 3 janvier. Cependant, les bonnes résolutions peuvent aussi avoir du bon et servir de tremplin pour laisser derrière nous des habitudes, des comportements qui ne seront pas les bienvenus dans la nouvelle année. Et dieu sait que la mode regorge de ces petits comportements, manies et défauts dont on aimerait qu’elle se débarrasse. Voici donc les 10 résolutions, ou plutôt les 10 commandements, que l’on aimerait voir la mode adopter en 2025. 

Augmenter tes prix tu ne devras pas

Ce n’est un secret pour personne, 2024 aura été une année de crise pour la mode. Après une décennie prospère et une reprise des ventes post-pandémique florissante, 2024 aura été pour la mode une année marquée par l’instabilité et la perte de confiance des consommateurs. Entre luxury shame en Chine, crises et changements constants au sein des marques et grands groupes qui se veulent toujours plus grands mais surtout toujours plus exclusifs et fermés, l’industrie de la mode a perdu en clients, mais surtout en crédibilité. Et qui dit moins de demande dit caisses moins renflouées, dit aussi prix qui montent en flèche. Sauf que faute de devenir plus attrayante, certaines marques de luxe sont ainsi devenues obsolètes pour des clients autrefois conquis et fidèles : à force d’augmenter les prix, ceux-ci sont devenus si haut que plus personne n’était en mesure de les débourser. Si le luxe veut passer la frontière de 2025, il faudra impérativement qu’il choisisse l’humilité et décide de s’adapter au marché et à ses consommateurs plutôt que le contraire. Fini les porte-clés Miu Miu à 1200€ à défaut de pouvoir se payer le sac qui s’approche des 4000. 

Les contrefaçons tu reconnaîtras et tu condamneras

Si l’on entre en 2025 alors que le marché parasite de la contrefaçon, qui a connu une croissance impressionnante en amont des Jeux Olympiques de Paris,  est encore bien ancré et semble décidé à le rester, 2024 aura redoublé d’efforts pour s’en débarrasser. Entre Vinted qui a lancé un service de vérification des articles de luxe pour éviter toute arnaque, l’intelligence artificielle qui a développé des techniques toujours plus folles comme renifler les sneakers pour les identifier, cette année fut riche en avancées un peu moins riche en faux sacs de luxe. Si la montée des dupes l’année dernière a été en partie causée par l’augmentation des prix du luxe cité précédemment, espérons que la chute de l’un entraînera l’écroulement de l’autre. 

La chaise musicale de la mode tu cesseras 

L’année fut tellement agitée qu’il serait difficile de résumer en un seul paragraphe les allées et venues des directeurs créatifs en 2024. Si elle s’est conclue avec le départ de John Galliano de chez Maison Margiela et le départ de Mathieu Blazy de chez Bottega Veneta aussitôt parti aussitôt annoncé à la tête de la direction créative chez Chanel, les mois précédents n’étaient pas moins remplis en rebondissements qui ont donné le tourni à plus d’un. Nous entamons au moins 2025 avec la certitude que Virginie Viard a trouvé son remplaçant, après des mois de spéculation, pourtant quelques Maisons gardent un énorme point d’interrogation sur la tête quant à la prochaine personne qui en reprendra les rênes, tel que Maison Margiela et Y/Project.  Et mêmes pour celles qui ont actuellement quelqu’un à leur tête, rien n’indique que les choses vont rester inchangées : selon les spéculations, Jonathan Anderson pourrait quitter Loewe pour aller chez Dior, Sabato de Sarno pourrait dire au revoir à Gucci et Pierpaolo Picciolo pourrait bien se rendre chez Fendi (dont Kim Jones est parti en octobre dernier) après avoir quitté Valentino, remplacé par Alessandro Michele. S’il ne s’agit là que de rumeurs, on espère que cela le restera car cette chaise musicale nous aura déjà bien fatigué en 2024. 

Black-lister les journalistes qui donnent leur avis honnête tu arrêteras

En plus de nous avoir offert des moments mémorables comme une petite remontée de Chanel, un défilé Coperni à Disneyland ou encore un dernier défilé Bottega Veneta by Mathieu Blazy sensationnel que les invités ont regardé depuis un décor qui a cassé internet, la SS25 présentée en septembre dernier, nous a aussi offert un peu de drama. En effet, après que l’influenceur et correspondant mode pour Interview Magazine Lyas ait osé donner son avis négatif sur un défilé (sans préciser lequel bien que l’on soit sûr à 99% qu’il s’agisse du défilé Dior), ce dernier aurait été contacté par un industry insider. Après lui avoir d'abord demandé pourquoi il avait exprimé une opinion négative, la personne aurait ensuite suggéré que la critique était motivée par de la misogynie envers la créatrice. Lyas aurait ensuite découvert que les employés de la marque allaient répandre des calomnies sur lui, le qualifiant de misogyne et de partial, alors que la critique initiale du jeune influenceur concernait la collection et pas la créatrice en elle-même. Bien que l’histoire se soit bien terminée et que Lyas soit sorti de la black list de la marque, cette histoire représente une réalité à laquelle tous les rédacteurs de mode - bien avant les influenceurs - doivent faire face : la censure par les marques, qui n'hésitent pas à manipuler l'opinion des journalistes. 2025 sera pleine de critique, bonnes comme mauvaises, pleine d’analyses, de commentaires et d’avis honnêtes et sincères, que les marques le veuillent ou non. 

Les campagnes et couvertures de magazines vides de sens et d’intérêt tu oublieras

Si 2024 aura vu des grands moments créatifs comme encore et toujours les campagnes toutes plus originales les unes que les autres de Jacquemus, les TikTok de Loewe ou encore des défilés présentés dans des cadres époustouflants, 2024 aura un peu perdu de son sens de l’originalité. En effet, certaines marques auront donné cette année l’impression d’avoir reçu pour consigne de recréer une photo de profil Linkedin dans leur campagne : il n’y a pas de problème en soi, les photos sont clean, mais ennuyeuse à mourir. Si, il y a quelques années, c’était les logos des marques qui ont été victimes du blanding, en perdant leurs polices, accents et parties trop complexes pour être assimilées par le grand public, c'est maintenant au tour des campagnes : des mannequins posant sur des fonds monochromes, des logos bien en vue et littéralement rien qui puisse détourner l'attention du produit. Il est donc impératif pour 2025 de se rappeler que les campagnes sont censées mettre les vêtements en valeur, que les couvertures de magazines ont le droit d’être fun et colorées, et qu’un défilé peut ne pas se limiter à une marche lente et ennuyeuse de mannequins qui n’ont pas l’air de passer un bon moment. 

L’innovation et la théâtralité à la John Galliano tu réadopteras

Sur le même ton, le moment est arrivé de s'attaquer à l'éléphant dans la pièce, comme disent nos amis les anglais, et de parler de l’aspect dont 2024 aura le plus manqué en matière de mode et de luxe: la théâtralité. Si avec son (dernier) défilé Artisanal pour Margiela de John Galliano aura ramené un peu de cette opulence magique à laquelle il nous avait habitué lors de son mandat chez Dior, le reste de la mode aura cruellement manqué de storytelling, de grandiloquence et de témérité. On peut dire sans grande peur que presque toutes les Maisons sont restées dans ce qu’elle connaissaient. Yves Saint Laurent a fait du Yves Saint Laurent, en habillant ses mannequins de costumes oversize et des lunettes que portait son créateur, Chanel a fait du Chanel (avec une légère amélioration après le départ de Virginie Viard) et Schiaparelli a fait du Schiaparelli. Si l’on apprécie beaucoup ce respect des marques pour leur propre ADN, histoire et codes, un petit retour des défilés inattendus et spectaculaires, ainsi que quelques petites innovations ne feraient de tort à personne. En 2025, on veut du show, on veut de l’exagération, mais surtout on veut du nouveau. 

Moins de revival et plus de nouveauté tu présenteras

Ce qui nous amène à notre septième commandement : plus de nouveautés tu présenteras. Si la facteur nostalgie est une source sûre de succès et que la mode au cours des décennies passées à présenté des esthétiques et des collections qui resteront pour toujours gravées dans nos cœurs et nos mémoires de fashionistas, il est temps de faire le deuil du passé et d’aller de l’avant. Bien sûr, la mode est cyclique, son principe même est basé sur le départ et le retour de tendances, mais les créateurs de 2024 n’ont pas su jouer intelligemment avec la ligne, certes mince mais pourtant bien existante, qui sépare revival et répétition. La collection SS25 de Versace en est le parfait exemple, reprenant les codes et idées de la collection Versus SS97 créée par Donatella et conçue à son image, alors que son frère aîné Gianni s'occupait encore de la ligne principale. Certes, un petit throwback et moment mélancolique n’a jamais tué personne, toutefois en 2025, on espère voir toujours plus de nouveauté et peut-être moins de retour en arrière qui ne nous mènera nulle part. 

Du quiet luxury tu te sépareras

Bien que ces au revoir semblent déjà avoir été à moitié faits, avec un retour en force d’un Alessandro Michele, l’antithèse du soft et du discret, qui a fait ses premières armes chez Valentino avec le maximalisme que l’on connaît et que l’on adore, espérons que 2025 marquera officiellement la mort du quiet luxury. Si la tendance a vu le jour lors du confinement, alors que les pull capuche constituait le seul et unique dress code de la population mondiale et que le quiet luxury s’est imposée comme l'antidote sobre au sportswear, le moment est arrivé de s’en séparer.  

Moins de fast-fashion et plus de vintage tu proposeras 

Il est indéniable que le vintage est revenu en flèche cette année, qu’il s’agisse de sacs, de vêtements ou même de tendances. Pourtant même si la deuxième main se développe, elle ne va pas aussi vite que la fast fashion, rapide pas seulement dans sa création mais aussi dans la façon dont elle se propage. Si de plus en plus de plateformes comme Vinted ou Depop ont gagnés en popularité cette année, la fast fashion reste en tête des préférences des consommateurs en ligne, avec des sites comme Shein, Amazon et Temu qui dominent le marché et affichent des résultats impressionnants. Mais si la Gen-Z montre de plus en plus d’intérêt pour le marché de la seconde main et les trésors dont elle regorge, pourquoi court-elle encore vers des vêtements de mauvaises qualités, conçus dans des conditions inhumaines et qui tiendront deux lavages maximum ? Et bien tout simplement car la seconde main est moins attirante pour les e-acheteurs en termes de rapidité de livraison, de commodité et d’offre étendue de vêtements neufs. Plutôt que d’écouter le petit démon sur notre épaule gauche, en 2025, on compte bien écouter le petit ange sur la droite qui nous dit de fouiller les moindres recoins de vinted plutôt que de filer tête baissée vers son panier Zara, qui ne contient probablement que des articles que vos voisins possède déjà. 

En 2025, tu t’amuseras 

Telle une animatrice de colo qui dit à ses benjamins de prendre du plaisir et que l’important c’est de participer, à la mode, nous dirions qu’en 2025, elle doit s’amuser. Les collections s'enchaînent, les tendances défilent, la mode s’invente et se réinvente, les erreurs de la SS25 seront oubliées dès la SS26. Dans ce champ de bataille de la mode, l’important aussi bien pour les acteurs que pour les consommateurs est de passer ce petit segment de l’histoire de la fashion sphère en le faisant de la plus agréable des manières, en portant et en créant ce qui nous plait, et en le faisant sans prétentions et sans attente. 2024 nous aura offert notre lot de changements, de retours, de nouveautés, de succès et de défaites, d’arrivées et de départs. 2025, on est prêts à ce que tu nous présentes ton lot de changements, de retours, de nouveautés, de succès et de défaites, d’arrivées et (pas trop) de départs. 2025, montre nous ce que tu as dans le ventre.