La collection "La Bruma e i Fossi" de lessico familiare
Un portrait de rêves, de souvenirs et d'amour vache dans la Pianura Padana
16 Décembre 2024
Nous ne sommes pas ensemble en ce moment, mais Riccardo, entre une gorgée de cappuccino et un message vocal, me donne des nouvelles depuis Paris. Alors qu’il présente sa collection, je le suis à distance : brouillard gris et dense, fossés, rangées de peupliers blancs, la rivière sombre et lente—un rappel constant de la mortalité—chaises en plastique, boutiques avec des rideaux en tissu rugueux, douceurs jaune pâle, moelleuses comme de la polenta, Marlboro Lights fumées dans les toilettes du train en allant à l’école, larmes et manteaux. Ces fragments dressent un portrait de souvenirs familiers accumulés durant l’adolescence dans la plaine qui s’étend de Turin à Venise : la plaine du Pô. *La Bruma e I Fossi* naît du désir de revisiter une psychogéographie faite de rêves et d’amour rude, une quête de quelque chose qui ressemble au crépuscule. Parmi les principales inspirations se trouve L’Albero degli Zoccoli, le film d’Ermanno Olmi se déroulant dans la campagne bergamasque du XIXᵉ siècle. Ce chef-d’œuvre raconte la vie quotidienne des paysans d’une ferme lombarde et a remporté la Palme d’Or à Cannes en 1978. Olmi décrivit son travail comme un hommage à la terre, déclarant : « À une époque où nos existences sont en danger, respecter la terre signifie la regarder comme une mère qui nous protège ».
Pour l’occasion, Dover Street Market Paris se transforme en une ferme imaginaire, un espace capable d’accueillir les souvenirs doux-amers évoqués par la collection. Les espaces sont divisés en sections évocatrices : le coin magique, la maison, la place, nature et foin. Les vêtements présentés explorent des formes cocon où les manches perdent leur fonction originale, déconstruites et presque effacées. Ce ne sont pas des cages limitant les mouvements, mais plutôt des enveloppes dans lesquelles se reposer. Un clin d’œil aux jours de fête des paysans de la plaine du Pô, où, durant quelques heures, les bras pouvaient se détendre, tendus vers un bol de polenta ou un verre de Lambrusco. La collection comprend des manteaux, des pièces en shearling, des capes en cuir, des chemises et des robes de nuit. Chaque pièce est unique. Une série spéciale de chapeaux a été créée en collaboration avec l’artiste bergamasque Patrizia Benedetta Fratus, fille de la protagoniste du film L’Albero degli Zoccoli.
L’exposition inclut des œuvres d’artistes originaires de la plaine du Pô, comme Stefano De Paolis (Bergame, 1992) et Jacopo Valentini (Modène, 1990), aux côtés de contributions contemporaines telles que Florence Carr (Royaume-Uni, 1997) et de maîtres historiques comme Enrico Erba (Crémone, 1895–1979). Riccardo nous raconte : « Cette collection représente un tournant pour nous. Nous communiquons maintenant que nous existons, littéralement, sur le marché. Pour l’instant, dans un seul lieu, mais nous existons. Dover Street Market Paris nous a accueillis, et c’est déjà un accomplissement pour nous. » « La collaboration est née de conversations avec Carla et Adrien dans notre studio de 15 mètres carrés. Carla répétait : “Faisons quelque chose ensemble !” Alors nous avons décidé de nous inspirer du folklore de décembre—manteaux, châtaignes, rigueur campagnarde. Les vêtements racontent une poétique de simplicité que nous ne voulons jamais perdre, même dans le commerce de détail. » La collection est produite par le studio vénitien Mare Karina. Un remerciement spécial va à Marta Barina, Beatrice Tafuro et Tabatha Mazzabò, qui ont contribué à rendre ce projet possible.