Toutes les fois où Mondrian s’est immiscé dans la mode
Des robes trapèzes de Saint Laurent d'hier aux sacs Loewe d'aujourd'hui
04 Décembre 2024
S’il y a 80 ans, le peintre hollandais Piet Mondrian nous quittait, son influence et sa présence artistique est loin d’avoir disparu avec lui. Entre expositions, illustrations et reprises de son très connu motif à carreaux colorés, l’artiste n’a jamais été aussi présent dans la culture populaire. Et qui dit culture populaire dit bien sûr mode contemporaine : qu’il s’agisse de collaboration officielle ou d’inspiration évidente, les couleurs primaires de Mondrian et ses figures abstraites ont ces dernières années été reprises à l’infini. À l’heure où les collaborations entre artistes et Maisons de mode, comme celle entre Louis Vuitton et Takashi Murakami qui s’apprête à faire son grand retour, sont de plus en plus en vogue, prenons un instant pour nous remémorer toutes les fois où la patte de Piet Mondrian a influencé la mode et ses idées.
La plus connue et mémorable est sans nul doute la collection Mondrian d’Yves Saint Laurent, créée en 1965. Une collection - comprenant une série de robes trapèzes décorées des lignes et des blocs de couleurs emblématiques de Mondrian - qui très vite, devient une référence de la mode des années 60. Le prototype est à l’époque réalisé avec l’aide d’Azzedine Alaïa, qui développera une technique de couture particulière pour pouvoir mettre la fermeture éclair dans le dos sans ruiner le motif de la robe. La collection en hommage à Mondrian comprend 10 robes, pourtant seulement un modèle persistera dans la mémoire du grand public. Et si cette dernière a vu le jour alors que la maison Saint Laurent n’avait soufflé que ses 4 bougies, elle est encore aujourd’hui considérée comme l’une des créations les plus célèbres du couturier. Le pionnier de l’abstraction, déjà décédé depuis une vingtaine d’années à la sortie de la collection, n’aura jamais l’occasion de la voir de son vivant, mais elle restera toutefois gravée dans l’histoire de la mode, et servira d’exemple pour les générations à venir de l’influence de l’art moderne sur la mode.
Si Saint Laurent est le premier exemple qui nous vient à l’esprit quand on pense à Mondrian et son influence sur la mode, il n’est pourtant pas le premier à avoir fait du peintre hollandais sa muse. Au début des années 30, la styliste Lola Prusac, employée chez Hermès, s’était déjà inspirée des figures droites et des couleurs de Mondrian pour créer une série de sacs et de bagages. Bien des années plus tard, en 2020, la maison française rendait de nouveau hommage à l’artiste dans sa collection FW20/21, sous l’égide de Nadège Vanhee-Cybulski. Présentée dans un décors teinté des couleurs primaires signatures de l’artiste, la collection comprend des articles dont l’inspiration ne fait pas l’ombre d’un doute, entre un pull rouge aux manches bleues et jaunes et une robe blanche décorées de rayures verticales reprenant toutes les couleurs de Mondrian. Même une version Mondrianesque du Birkin a été créée.
La Maison italienne Moschino s’est elle aussi laissée inspirer par le jaune, le bleu et le rouge criard de l’artiste hollandais, notamment dans sa collection SS93 qui comprenait une robe rappelant beaucoup la robe trapèze de Saint Laurent, ainsi qu’un blazer blanc décoré d’un gros coeur rouge et de carreaux jaunes et bleus. En réalité, cette reprise de la collection hommage à Mondrian de Saint Laurent par Moschino est en fait un acte de provocation. Célèbre pour sa volonté de bouleverser la mode ainsi que ses collègues du secteur qu’il avait bien souvent dans le viseur, Franco Moschino, à travers ces pièces s'approprie l’art de l'appropriation, revendiquant l'hommage de son homologue français comme étant le sien et soulignant la complexité et l'ambiguïté de la propriété créative dans l'art et le design. En ce qui concerne les accessoires, Loewe, en 2017, rendait hommage au peintre avec une version color block de son légendaire sac puzzle, reprenant les fameuses couleurs primaires. Ainsi la mode prouve une nouvelle fois que peinture et couture font bon ménage, et qu’un seul petit quart d’heure de gloire ce n’est rien du tout quand on sait que certains bénéficient de presque un centenaire d’hommage.