Pierre Cardin nous fait faire (de nouveau) un retour vers le futur
Avec sa nouvelle collaboration de l’espace en ligne avec son histoire galactiquement imprégnée
10 Septembre 2024
Qui a dit que même à 384,400 km de la terre on ne pouvait pas être fashion ? Pas l’Agence Spatiale Européenne, car elle a décidé de s’associer à la Maison Pierre Cardin pour concevoir les combinaisons que porteront les astronautes lors de leurs entraînements dans le nouveau centre de simulation de Cologne, en Allemagne, pour préparer une prochaine envolée sur la lune. Lundi, l’astronaute Allemand Matthias Maurer se rendait dans le petit bureau de fortune parisien de la Maison, dont le siège central est en rénovation, afin de procéder aux premiers essayages. Un choix de designer qui ne relève en rien du hasard, au vu du passé galactique de la Maison Cardin et du rôle que cette dernière a joué dans la tendance Space Age des années 60. Plus qu’une mesure de progrès scientifique, le Space Age a marqué l’esthétique des années 60 et 70 aussi bien dans l'univers de la mode que dans celui du design, imprégnant universellement d’une trace indélébile le monde de la culture. En effet, le projet du président Kennedy d’envoyer pour la première fois un homme sur la lune a rapidement inspiré nombreux protagonistes de la sphère culturelle, donnant ainsi naissance à des chef-d’oeuvres artistiques cherchant à satisfaire l’appétit croissant des Américains pour le monde de l’espace.
Et la mode faisait bien entendu partie de ces protagonistes. En 1969, ce n’est pas seulement la fusée Apollo 11 qui a décollé, mais également la carrière des auteurs de collections entières axées sur une vision intergalactique et futuriste de l’habillement. Entre les robes en vinyle, les tissus gris métallisé, les accessoires en plastique et les coupes qui imposaient au corps des mouvements quasi robotiques, le cosmos et toutes les inconnues qui le composent eurent malgré eux un impact colossal sur les grandes maisons de couture jusqu’aux années 70, et continue de faire partie du patrimoine sartorial même des années après que le pied de Neil Armstrong ne toucha la lune. L’un des précurseurs de la mode futuriste qui participa activement à sa popularisation et au maintien de sa renommée par la suite n’est autre que Pierre Cardin. Alors que sa carrière débute lors de l’après-guerre aux côtés de Jeanne Paquin, il présente en 1955 la collection Cosmos de sa marque éponyme, composée de robes en vinyle et caoutchouc, se vantant d’inventer des vêtements pour « le monde de demain ». Pierre Cardin est un adepte de l'expérimentation. Entre lignes droites et géométries inédites, l’utilisation de matières jamais utilisées dans la mode comme le vinyle, le cuir verni et un tissu synthétique appelé « Cardine » travaillé en trois dimensions: tout y passe. En 2019, à l’occasion des 50 ans des premiers pas de l’homme sur la lune, le créateur est invité à visiter les locaux de la nasa et est le premier homme à enfiler la tenue portée par Neil Armstrong 50 ans plus tôt.
Et il n’est bien sûr pas le seul à vouer une admiration sans limite à l’espace et ses secrets. Au même moment, André Courrèges fait son apparition sur la scène de la mode et propose lui aussi des créations défiant les lois terrestres à l’ADN galactique. Sa collection Moon Girl sortie en 1964 en est l’exemple le plus parlant. Bottes blanches, chapeaux sphériques et jupes en PVC qui restent droites et rigides peu importe la contorsion à laquelle elles sont soumises: la collection semble sortir tout droit d’un film d'extraterrestres. Trois décennies plus tard, Courrèges continue de faire défiler des tenues inspirées de l'espace, comme lors d'un défilé organisé en avril 1993 à Kyoto, au Japon. Parallèlement, Paco Rabanne s’impose également dans le domaine de la mode cosmique avec sa collection « 12 robes importables en matériaux contemporains » présentée en 1966, le premier show inclusif dans lequel ont défilé des mannequins de couleurs. L’ADN Paco Rabanne (aujourd’hui rebaptisé Rabanne tout court) est bien différent de ses deux confrères, mais est tout autant galactique. Au cours de ce défilé, la Maison présente des robes « importables », faites non pas de tissus mais de centaines de petits morceaux de métal découpé, formant une toile assez étanche pour couvrir le corps du modèle. S’en est ensuite suivi une ribambelle de collections toutes plus futuristes les unes que les autres, avec la collection Spirale Futuriste par Thierry Mugler en 1979, la collection FW99/00 de Givenchy ou encore celles plus récentes de Chanel pour son défile FW17, la Pre-Collection SS19 de Louis Vuitton et la collection FW 2021/22 de Balmain.
Cette nouvelle collaboration entre la Maison Cardin et l’Agence Spatiale Européenne fait donc se rapprocher feu Pierre Cardin de son rêve de marcher sur la lune, qu’il pourra vivre par procuration à travers Rodrigo Basilicati Cardin, actuel directeur créatif de la Maison. Une nouvelle initiative pour la marque qui s'inscrit dans le prolongement de son précédent partenariat avec le fabricant aérospatial franco-italien Thales Alenia Space. La tenue permettra aux astronautes de fournir un retour d'information sur les performances de leur équipement dans des situations pratiques, comme la manipulation d'instruments conçus pour analyser les roches lunaires. Les matériaux utilisés pour la combinaison d'entraînement ont été soigneusement sélectionnés dans le cadre d'une étude de l'ESA sur les futurs matériaux spatiaux, et intègrent certains tissus précédemment utilisés pour les collections Cardin, notamment le matériau synthétique recyclé bleu spongieux qui recouvre la combinaison. Un choix et une création réalisée en étroite collaboration avec les principaux intéressés, les astronautes en personne, qui devront porter cette tenue pendant 4 à 6 heures et doivent donc à tout prix en valider la commodité. « Vous pouvez faire la différence entre ce qui a été fait par des ingénieurs et ce qui a été fait par quelqu'un qui sait comment travailler le textile. Dans les combinaisons spatiales que j'ai portées jusqu'à présent, j'ai toujours eu beaucoup de points de pression, alors que maintenant, je me sens très bien à l'intérieur », explique Matthias Maurer. Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour la Maison Pierre Cardin.