Qu'est-ce que l'esthétique Old Money et pourquoi est-elle populaire sur TikTok

Parmi les nombreuses tendances mode qui peuplent la page For You de TikTok, il en est une en particulier qui, ces derniers mois, a su polariser les opinions, compte tenu de sa nature stylistique mais aussi politique. Avec plus de 83 millions de vues, le hashtag #OldMoneyAesthetic résume l'intérêt de la génération Z pour un monde pas toujours au point, voire souvent très nébuleux, construit sur une esthétique qui fait sa spécificité hors du temps. Les vêtements et accessoires considérés comme classiques et intemporels sont célébrés à travers des images trouvées sur Pinterest ou dans les anciens albums de famille des Kennedy ou de la famille royale anglaise, tandis qu'en Italie la tendance prend vie grâce à de vieilles photos de maisons sur le lac de Côme, des châteaux autrefois habités et à travers un dress code composé de chemises blanches Ralph Lauren, de pulls Loro Piana, de montres Patek Philippe, de mocassins et de ceintures siglées.

Commençons donc par l'essentiel : la définition « Old Money » désigne des familles, mieux des dynasties, dont la richesse s'est transmise de génération en génération. Aux États-Unis, cette définition est souvent associée à l'acronyme WASP, White Anglo-Saxon Protestants, et inclut les grandes maisons du pouvoir américain, comme les familles qui transmettent une place d'honneur dans les collèges de l'Ivy League, qui partagent leur temps entre penthouses à Manhattan et une maison de plage dans les Hamptons. En Europe, cependant, le label Old Money est lié à des titres nobles, des maisons aristocratiques ou des familles dont la fortune remonte au début du siècle, sinon plus tôt. Avec plus d'un million d'abonnés, The Castle Diary, le profil TikTok d'une jeune italienne qui vit réellement dans un château, incarne parfaitement tout ce à quoi aspire l'idéal Old Money. Un idéal conté fièrement d'abord par Leonardo Maini Barbieri, qui avec vestes en tweed, goûters et shopping débridé fait entrer la vieille noblesse dans le 21e siècle, tandis que @ardi.tay emmène ses followers dans le monde magique des écoles privées. Le concept de base est donc celui résumé dans la définition elle-même, un titre qui dessine d'emblée une nette différence avec le New Money, avec tous ces gens qui se sont "fabriqués", entrepreneurs, artistes et même influenceurs qui ont construit une carrière, dans la parfaite parabole du rêve américain qui est aussi tant célébré sur TikTok.

D'un point de vue esthétique, la tendance est associée aux colleges américains de l'Ivy League ou aux anciennes universités anglaises telles qu'Oxford et Cambridge. Outre les études, les activités favorites sont les matchs de tennis ou de polo, les baignades dans la piscine, les balades en voiture classique, les journées en yacht ou country club et les dîners dans les jardins à l'ombre d'immenses propriétés d'époque.

Cet univers rêvé, à des années-lumière du quotidien de la plupart des utilisateurs de TikTok, est traduit par les nouvelles générations dans une version actualisée de l'idéal preppy, composé de blazers bleus associés à des jupes plissées façon tennis ; Polos Ralph Lauren portés avec des pantalons chino et des mocassins en cuir ou des chaussures bateau ; trenchs et manteaux camel combinés à des cols roulés et des chaussures Oxford, dans une palette de couleurs allant du beige au blanc et à l'ivoire, en passant par les bleus et les gris. Il existe des milliers de vidéos de filles suggérant comment reproduire l’esthétique de la série originale Gossip Girl, grâce à des tailleurs, des jeans et des chemises blanches, des gilets et des bandeaux. Et peu importe si la vie de Blair Waldorf et Serena Van der Woodsen ne pourrait pas être plus différente de la leur.

En Italie, l'image Old Money est souvent mêlée à l'esthétique maritime, à l'univers de la famille Agnelli, de ses promenades en bateau ou de ses après-midi de chasse, en référence à un idéal de noblesse désormais périmé.

Selon d'autres utilisateurs, cependant, l'esthétique Old Money ne s'incarne pas dans les blazers bleus et les uniformes de tennis, mais concerne plutôt la qualité, l'exclusivité et l'unicité des vêtements. Le vrai luxe ne se compose pas de grands logos et de motifs reconnaissables. Il repose plutôt sur des intemporels qui peuvent vraiment se transmettre de génération en génération, sur des matières et des couleurs classiques et toujours élégantes, sur des objets et des accessoires. On reconnaît tout de suite le statut de celui qui le porte, comme les colliers de perles, les sacs Hermès et les montres Patek Philippe. Selon le célèbre adage Money Talks, Wealth Whispers, les marques qui véhiculent le mieux l'esthétique Old Money sont Chanel, Loro Piana, Ralph Lauren, Barbour, Ermenegildo Zegna, Brunello Cucinelli, Brioni, Armani. Comme le souligne @fashionboy, les vraies marques de l'univers Old Money sont des marques de niche, connues uniquement des familles qui en ont vraiment les moyens, voire des maisons de Haute Couture, avec lesquelles il est très difficile d'entrer en contact. Les vêtements coûtent des milliers, voire des millions d'euros. En ce sens, une grande exception est représentée par les Crazy Rich Asians racontés dans le livre et dans le film du même nom qui, en quelques décennies, sont entrés dans les couloirs de la Haute couture parisienne, chose impensable il y a seulement 30 ans.

Cependant, on se demande non seulement pourquoi la génération Z continue de s'intéresser aux tendances et à une esthétique si éloignées, dans le temps comme de la réalité de ces millions d'utilisateurs "communs". Le Old Money imaginaire est tellement ambitieux qu'il est impossible à reproduire, surtout sur une plateforme woke, progressiste et souvent politisée comme celle détenue par ByteDance. Il semble presque paradoxal que soit encensé un univers élitiste et souvent raciste. Selon @deadhollywood, l'idéal Old Money est l'expression de la suprématie blanche et du privilège blanc, d'un univers sexiste dans lequel les femmes étaient obligées d'être toujours minces, épouses et mères, et dans lequel il n'y avait pas de place pour les non-blancs ou non binaire. Ce n'est que d'un point de vue stylistique que la tendance semble encore exercer une fascination, coincée dans l'éternelle lutte entre ceux qui se sont faits et ceux qui ont toujours fait partie de la haute société.