Sale temps pour les Big Tech
Il semblerait qu'eux aussi sont les victimes du temps qui passe
09 Décembre 2024
Après des années de croissance constante, en 2024, le secteur technologique a définitivement montré des signes de crise. Pour les Big Tech en particulier, il semble que les choses empirent et que leurs modèles économiques ne soient plus aussi solides qu'autrefois. Par exemple, la baisse de la demande des annonceurs publicitaires a mis en évidence les fragilités d'un système principalement basé sur la collecte et la monétisation des données des utilisateurs. Les revenus, notamment publicitaires, sur lesquels repose une grande partie des affaires des Big Tech, diminuent donc sensiblement, ce qui a contraint de nombreuses entreprises à revoir drastiquement leurs stratégies – entraînant des réductions de personnel après des années d'expansion significative des effectifs. En outre, la montée de la concurrence de nouvelles entreprises plus agiles et innovantes a fait perdre des parts de marché aux Big Tech, tandis que les investisseurs commencent à demander davantage de garanties économiques.
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Cette situation a conduit à l'adoption de politiques axées sur la réduction des coûts et une plus grande attention à la durabilité financière. La crise du secteur a poussé certaines entreprises à changer de modèle économique, modifiant la relation décennale qu'elles avaient établie avec leurs utilisateurs – ce qui a progressivement dégradé l'expérience des services proposés. Ce phénomène a été qualifié d’« enshittification », que l'on pourrait traduire par « devenir de la m**de » : ce terme désigne l'ensemble des décisions qui conduisent une entreprise prospère à devenir progressivement moins agréable et utilisable pour ses utilisateurs, jusqu'à entrer en crise. Un exemple d’« enshittification » est ce qui est arrivé à Twitter. Depuis son rachat en 2022 par Elon Musk et son renommage en X, la plateforme a subi des réductions de personnel indiscriminées et la suppression des systèmes de modération des contenus. Cela a conduit à une plus grande diffusion de publications incitant à la haine et relayant des théories complotistes, suprémacistes ou transphobes, ainsi que des fake news et des contenus de propagande politique. En conséquence, de nombreuses personnes et organisations ont commencé à quitter la plateforme, ce qui a entraîné une baisse des investissements publicitaires.
Quand la crise des Big Tech a-t-elle commencé ?
austin tx
— swlkr (@swlkr) May 15, 2023
tech recession is hitting hard pic.twitter.com/U0B6LrqPEU
Pendant la pandémie, en raison des restrictions, le rôle de la technologie était devenu beaucoup plus central, et le secteur en avait grandement bénéficié. L'indice boursier connu sous le nom de Nasdaq, qui représente le mieux la performance des titres informatiques et technologiques aux États-Unis, avait augmenté de plus de 80% entre 2020 et 2021. Pendant cette période, le secteur des Big Tech était le meilleur investissement possible, et la perception commune était que cette croissance ne s’arrêterait jamais. C'est l'inverse qui s'est produit : ces entreprises avaient été fortement surévaluées en bourse, et elles ont ensuite commencé à décevoir les attentes des investisseurs. L'année dernière, la Commission européenne a également compliqué la vie des Big Tech, en désignant six grandes entreprises soumises à des règles strictes en matière de concurrence : Alphabet (le groupe propriétaire de Google), Amazon, Apple, Microsoft, Meta et la chinoise ByteDance, propriétaire de TikTok. Cette mesure consiste en une série de lois visant à limiter le monopole des plus grandes entreprises technologiques, qui, en tant que telles, bénéficient d'une position de force et peuvent ainsi bloquer l'entrée de nouvelles entreprises dans le secteur. Parmi ces règles, les compagnies concernées ne pourront pas favoriser leurs propres services au détriment de ceux de leurs concurrents, avec des impacts significatifs sur leurs revenus. En outre, les entreprises qui ne respectent pas ces mesures pourraient subir des amendes particulièrement élevées – entre 10 et 20% de leur chiffre d'affaires annuel.
Pour faire face à une phase potentiellement très difficile, impliquant d'importants changements structurels, le secteur des Big Tech sera contraint de s’adapter et de revoir ses modèles de référence. Selon certains analystes, cependant, cela pourrait être bénéfique. De nombreuses grandes entreprises, en effet, auraient depuis longtemps perdu de vue leurs véritables sources de revenus – à savoir la publicité pour les réseaux sociaux et les services aux consommateurs pour les entreprises de logiciels. Comme l’avait écrit il y a quelques années le Wall Street Journal, il est temps que la technologie redevienne « ennuyeuse ». Meredith Whittaker, experte en technologie et présidente de Signal, une application de messagerie très attentive à la vie privée de ses utilisateurs, a écrit dans l'édition américaine de Wired : « En 2025, la fin des Big Tech marquera la naissance d'un nouvel écosystème technologique dynamique, [...] capable d'être réellement innovant et orienté vers le bien commun, et pas seulement vers le profit ».