Comment les nymphéas de Monet sont passées du statut de gribouillages à véritables stars
Le rôle inattendu d’une galeriste ukrainienne dans la renaissance de Monet
02 Décembre 2024
Si pour la mythologie grecque, nymphéa signifie la naissance de la fleur à une nymphe qui mourut d’amour pour Hercule et pour la langue français cela veut dire nénuphars, pour Claude Monet, cela signifie tout. En effet, c’est le bassin couvert de nénuphars de sa maison de Giverny qui inspira à Monet le projet qui occupera l’artiste sur trois décennies, de la fin des années 1890 jusqu’à sa mort. Ainsi prit vie une collection de près de 300 œuvres, aujourd’hui exposée au musée de l’orangerie qui accueillait l’année dernière pas moins de 5 millions de visiteurs. Pourtant, la collection exposée depuis 1927 n’a pas tout de suite attiré les foules comme elle le fait aujourd’hui. Si en 2024 les nymphéas de Monet sont connus dans le monde entier et attirent des touristes par milliers tout au long de l’année, c’est grâce à une jeune galeriste ukrainienne qui a su voir les peintures de Monet comme autre chose que des gribouillis. Voici donc l’histoire du succès des nénuphars les plus célèbres au monde.
Plus de 20 ans après leur arrivée entre les murs du musée, alors que l’après-guerre accueille à bras ouverts art contemporain, pop art américain et impressionnisme, les créations de Monet ne plaisent plus. Pourtant, Katia Granoff, elle, galériste ukrainienne installée à Paris, les trouve splendides, et profite des salles vides pour pouvoir les admirer à l’infini, quand ça lui chante, et comme ça lui chante. La maison de l’artiste située à Giverny, dans la vallée de la Seine, quant-à-elle subit le même sort que les peintures, laissée à l’abandon après la mort de la belle-fille de Monet. Son beau-frère, le fils du peintre, décide que le moment est arrivé de se débarrasser de cette maison qui, à défaut de lui inspirer familiarité et souvenirs heureux, est devenu un poids. Ni une ni deux, Katia déniche les parfaits investisseurs, majoritairement américains. Ainsi, la jeune ukrainienne fera s’envoler un petit bout du travail de Monet vers les États-Unis, le dévoilant à un nouveau public prêt à l'honorer comme il se doit.
Si la collection des nymphéas est composée de nombreuses toiles qui s’articulent autour d’un seul et même thème, elle esquive étonnamment la redondance et l’ennui. Ses toiles honorent la peinture en plein air, bien loin des petits studios sombres asphyxiés par l’odeur alcoolisée de l’acrylique, et sont toutes baignées d’une lumière hypnotisante qui rend l’idée de tourner le regard difficile. Mais ce n’est pas tout : si les couleurs qui se dégagent de chaque peinture sont harmonieuses, rassurantes et apaisantes, c’est grâce à l'œil aiguisé de Monet pour mélanger les couleurs complémentaires et atteindre l’équilibre des sens. En effet, la série se base certes sur les nénuphars mais aussi sur l’eau sur laquelle ils reposent, sa surface, ses couleurs et ses mouvements, laissant à l’artiste libre court à l’utilisations de jaunes, de roses, de lavandes, de verts et de bleus qui dépeignent à la perfection la véritable lumière de Giverny. Pour représenter des scènes plus sombres, l’artiste n’utilisait jamais le noir, car il estimait qu’il avait un effet ternissant. Il utilisait plutôt des couleurs contrastées, qui se contrebalançaient pour produire des jeux d'ombre. Aujourd’hui, Monet est l’un des artistes les plus chers au monde. En novembre dernier, Le Bassin aux nymphéas, tableau estimé initiallement à 65 millions de dollars, a été vendue aux enchères pour 74 millions de dollar, et 18 de ses toiles ont déjà dépassé 30 millions de dollars aux enchères. Remercions donc Katia Granoff, car même si on ne peut pas (encore) nous permettre un tableau de Monet, une petite balade parmis les nénuphars au musée de l’Orangerie ne fait jamais de mal.