Prioriser la qualité ou la quantité ? Nouvelle étude sur la vie sexuelle des Français
Multipartenariat, pratiques émergentes : portrait actuel du paradoxe de la sexualité en France
14 Novembre 2024
« Plus de diversité, moins d’intensité » : ainsi résume en quelques mots la vie sexuelle des Français Nathalie Bajos, sociologue et directrice des recherches à l’Inserm, qui vient récemment de mener une enquête sur la sexualité des Français ces 5 dernières années. Si le peuple français et son air un tantinet je m’en foutiste une cigarette à la bouche évoque bien souvent aux étrangers un niveau de sexy qui fait exploser le thermomètre, lui donnant malgré lui la réputation de charmeur sans scrupule, les résultats de l’enquête démontre pourtant que de nombreux facteurs entrent en jeux et que de grands changements ont été effectués au cours des ans. Faisons donc le tour de tous les points qui constituent aujourd’hui le paradoxe contemporain de la sexualité auquel les Français sont confrontés.
Les partenaires: qui, quoi, combien ?
D'après l’enquête menée auprès de 32 000 participants, le nombre de partenaires des Français est en augmentation, passant de 3,4 pour une femme en 1992 à 3,9 en 2023 et de 11,2 à 16,4 pour un homme sur la même période. Le multipartenariat, c'est-à-dire l'interaction avec plusieurs partenaires au cours des douze derniers mois, a également gagné en popularité parmi les jeunes de 18 à 29 ans. De 9,6 % en 1992 à 23,9 % en 2023 pour les femmes et de 22,9 % à 32,3 % pour les hommes. Outre l'acceptation de l'homosexualité dans la société (enfin on a envie de dire), on signale plus fréquemment une attirance pour un individu du même sexe : en 2023, 13,4 % des hommes et 7,6 % des femmes ont indiqué qu'ils avaient été attirés par des individus du même genre tout au long de leur vie. Des résultats d'autant plus fragrant chez les 18-29 ans : 32,3 % pour les femmes et 13,8 % pour les hommes.
A quelle fréquence et comment ?
L'étude révèle que la fréquence des relations sexuelles au cours des quatre dernières semaines tend à baisser chaque année. Elle est passée de 8,6 en 2006 pour les femmes à 6,0 en 2023 et de 8,7 à 6,7 pour les hommes sur la même période. En ce qui concerne la pratique en soi, il semblerait que la sexualité des Français serait moins axée sur la pénétration vaginale, explique Nathalie Barjos. La pratique de la masturbation, en particulier chez les femmes, a bondi en trois décennies (72,9 % en 2023 contre 42,4 % en 1992), tout comme la pénétration anale (+ 15,5 points sur la même période chez les femmes et + 27,8 chez les hommes) ou le sexe oral. « Il faut souligner que les écarts de déclarations entre les femmes et les hommes restent marqués, en particulier s'agissant de la pratique de la masturbation et de la pénétration anale », note l'Inserm.
Les grands changements chez la Gen-Z « chronically online »
En 2023, 33 % des femmes et 46,6 % des hommes ont eu une expérience sexuelle en ligne avec une autre personne (via una connexion à un site dédié, rencontre d'un partenaire, échange d'images intimes). On notera enfin la démocratisation chez les jeunes des envois de nudes, des photos de parties intimes : 36,6 % des femmes et 39,6 % des hommes de 18-29 ans ont déjà envoyé une image intime au cours de leur vie, tandis que 47,8 % des femmes et 53,6 % des hommes de cet âge en ont déjà reçu. Il s'agissait de la première fois que l'Inserm mesurait ces pratiques dans l'ensemble de la population.
De surcroît, les chercheurs ont remarqué que l'activité sexuelle des Français au cours des douze derniers mois a diminué depuis les dernières enquêtes de 1992 et de 2006, peu importent les sexes et la tranche d'âge. « En 1992, 86,4 % des femmes âgées de 18 à 69 ans avaient eu des rapports sexuels au cours de l'année écoulée ; cette proportion est passée à 82,9 % en 2006 et à 77,2 % en 2023. De même, le pourcentage d'hommes ayant eu des rapports sexuels au cours de l'année écoulée est passé de 92,1 % en 1992 à 89,1 % en 2006 et 81,6 % en 2023 », écrivent les chercheurs de l'Inserm. Chez les 18-29 ans, en 2023, 79,4 % des femmes et 74,1 % des hommes ont eu un rapport sexuel dans l'année, contre respectivement 83,7 % et 85,9 % en 1992. Un jeune célibataire sur deux n'a pas eu de rapport sur les douze derniers mois. Que de résultats qui soulèvent des question sur la définition même d'un rapport sexuel. Il semblerait qu’une véritable redéfinition de l’activité et des normes sexuelles soit actuellement en cours en France. En tout cas peu importe la pratique, le partenaire, le lieu, ou la durée, l'important, comme toujours, est de sortir couvert, toujours avec bienveillance.