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Transgalactique, l’art trans comme miroir des luttes contemporaines

Une immersion visuelle intime où 15 artistes trans redéfinissent les identités, entre queerness, antiracisme et écologie

Transgalactique, l’art trans comme miroir des luttes contemporaines Une immersion visuelle intime où 15 artistes trans redéfinissent les identités, entre queerness, antiracisme et écologie

L’exposition TRANSGALACTIQUE s’installe jusqu’au 9 février 2025 à la Gaîté Lyrique, offrant aux visiteurs une immersion unique dans l’univers des regards trans. Quinze artistes, issus de différents horizons, exposent leurs œuvres photos et vidéos, chacune reflétant l’entrelacement subtil entre la queerness, l’antiracisme et l’écologie. Un cadre intime pour une expérience visuelle inédite, où l’art se fait miroir des luttes et des récits volés que cette exposition entend réhabiliter. Aux commandes de ce projet, les commissaires Nadège Piton, SMITH, Frank Lamy et Balthazar Heisch, qui, après un premier coup d’éclat en 2020 dans la revue The Eyes, poursuivent ici leur réflexion sur le rôle de la photographie dans la représentation des corps trans. C’est dans cette petite salle feutrée que se rencontrent les œuvres d’artistes trans du monde entier, utilisant la photographie et la vidéo comme des armes d’émancipation, inscrivant la communauté et la lutte au cœur de leur création. Plus qu’une simple exposition, TRANSGALACTIQUE est un manifeste visuel contre les récits binaires et figés qui cloisonnent trop souvent les identités trans. SMITH, l’un des commissaires, l’explique bien : « Les personnes trans sont trop souvent réduites à un objet trans. Ici, nous voulons renverser la perspective, montrer que les artistes trans parlent aussi d’autres choses, que leurs regards enrichissent notre compréhension du monde. »

Au fil de la visite, on découvre des œuvres comme celles de Kama La Mackerel, qui, par ses photographies, détourne les cartes postales coloniales pour les réinterpréter à travers son regard trans et tamoul. Ou encore Brandon Gercara, dont l’installation vidéo « lip-sync de la pensée », prêtée par le FRAC Réunion, propose un dialogue avec des textes féministes, queer et post-coloniaux. Ici, l’art queer se conjugue à l’oralité, le lip-sync devenant un moyen puissant de faire résonner la pensée. Lorsque la transidentité est abordée de manière frontale, c’est toujours à travers les luttes vécues par les corps, plutôt que leur simple mise en scène. Zanele Muholi, avec sa série Queering Public Spaces, capture des femmes trans noires sur une plage de Durban, une manière de rendre visible cette double identité dans des espaces publics marqués par une histoire coloniale. Une invitation à repenser l’histoire à travers des regards qui, tout en s’inscrivant dans des récits collectifs, dépassent largement la simple revendication identitaire. Et puis, il y a cette intimité, cette douceur du quotidien. Darko de la Jaquette, entre Bruxelles et Marseille, documente sa grossesse et sa vie de couple dans une série de photographies empreintes de tendresse, répondant à sa manière aux polémiques sur les hommes trans enceints. Une ode à l’amour simple, aux petits gestes du quotidien qui, ici, prennent une dimension politique sans être ouvertement militante. « Nous voulions montrer d’autres manières de faire de l’art, des pratiques ancrées dans l’affect et non dans la théorie », précise Frank Lamy.

Un détour par le passé est également au programme. Parmi les trésors de l’exposition, les photographies du XIXe siècle rassemblées par le réalisateur Sébastien Lifshitz offrent un regard saisissant sur les pratiques de travestissement d’autrefois. Des images festives, des faux mariages, des moments où les corps en marge reprenaient le contrôle de leur propre représentation. Enfin, Cassils, avec son timelapse, clôture cette constellation d’œuvres en documentant la transformation de son corps par la musculation intensive, en écho à l’œuvre d’Eleanor Antin en 1972. Une manière de questionner le pouvoir, l’effacement et la réappropriation du corps trans, tout comme le fait le duo brésilien Masina Pinheiro et Gal Cipreste en explorant, à travers la vidéo, leurs propres traumatismes. Si vous êtes à Paris avant février, ne manquez pas cette exposition où chaque œuvre éclaire avec force et fierté les récits d’une communauté qui, par son art, redéfinit les possibles et inspire un avenir empreint de liberté et d’inclusion.