L'anti-biopic sur Niki de Saint Phalle est désormais disponible sur grand écran
Portrait sensible d'une artiste, entre génie créatif et engagement
15 Octobre 2024
Même si les biopics rendant hommage aux artistes (surtout de la sphère musicale) foisonnent tels des pâquerettes sur la scène cinématographique probablement dans une tentative des réalisateurs de toucher un public plus vaste, c’est plutôt un anti-biopic que présente aujourd’hui Céline Sallette avec son premier film en hommage à l’artiste Niki de Saint Phalle. Dans Niki, la vie de l’artiste franco-américaine naturalisée suisse est retracée des années 50 aux années 60, dans une démonstration poétique pas tellement de ses oeuvres mais plus de sa personnalité et de son histoire. Après avoir débuté sa carrière en tant que mannequin, la jeune et jolie Niki se penche vers l’art et ses disciplines variées, qu’elle apprendra à maîtriser de manière complètement autodidacte en se nourrissant de ses échanges artistiques avec ses aînés et contemporains. En 1952, elle se lance dans la peinture, et s’inscrira dès 1961 dans la rangée des Nouveaux Réalistes, aux côtés de Gérard Deschamps, César, Mimmo Rotella ou encore Yves Klein. Avec son mari Harry Matthews, elle va réaliser un grand nombre de sculptures-architectures, soit sur commande, soit pour son plaisir personnel.
Parmis ces dernières, on retrouve par exemple les Nanas, ces statues géantes représentant des femmes chahuteuses, dansantes et sans complexe. Elle ouvrira ensuite des parcs entiers remplis de ses créations, comme le Jardin des tarots en Toscane, inspiré du parc Guell de Barcelone, qui réunit des sculptures monumentales inspirées par les figures du tarot divinatoire. Elle est également connue pour ses tableaux-performances, dont l’ensemble de tableaux Tirs, réalisés par un tir à la carabine sur des poches de peinture. En plus de sa dévotion artistique, elle était également connue pour le soutien qu’elle apportait à plusieurs causes : celle du racisme envers les personnes de couleur aux États-Unis, celle de la libération des femmes du patriarcat, celle des malades atteints du sida. Elle s'est d’ailleurs engagée dans l'association AIDES et a réalisé avec son fils un film sur le sujet.
Et c’est exactement cette dévotion, cette passion dévorante pour la vie, ses hauts et ses bas, mais surtout ce personnage à la personnalité forte et inspirante qu’à voulu montré la réalisatrice, plus que l’artiste qui se cache derrière ces immenses sculptures. Pourtant, bien que les œuvres ne soient pas l’épicentre du film, l’interdiction de montrer les créations de l’artiste à l’écran n’a pas contribué à rendre la tâche de Sallette et son équipe facile. Le film se présente toutefois comme une œuvre à part entière, en partie grâce aux photographies de Victor Seguin. «L’idée de transformation infuse tout le film», explique Céline Sallette à Vogue. «En termes de couleurs, on part d’une tonalité très neutre, jusqu’à épouser de plus grandes exubérances». Le film s’articule autour de nombreux flash-backs illustrés par une couleur : le rouge pour la colère, le vert des monstres pour représenter l’inceste que l’artiste vécu très jeune. «Je cherchais à représenter le Saturne de Goya, poursuit la réalisatrice, à travers la figure du père dévorant. Niki de Saint Phalle a beaucoup écrit sur le démembrement de l'enfance. Donc je me suis demandée comment transformer cela au cinéma. Le père pourrait manger la tête de sa fille. C'est vite devenu évident, car la dualité traverse toute son œuvre, des arbres aux visages. Comme une représentation de la dissociation, l'un des effets du traumatisme», précise la réalisatrice. Le film, sorti dans les salles le 9 octobre, a déjà reçu un succès retentissant, également auprès du jeune public. A travers ce résumé bref mais condensé de la vie de l’artiste, ou plutôt d’une tranche de sa vie, Sallette mais également Charlotte Le Bon par son interprétation époustouflante de Niki, ont réussi à transmettre toute l’énergie et la passion qui caractérisait l’artiste, dans ses oeuvres et dans sa vie.