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Les Bains douches, de temple du bien-être à icône des nuits parisiennes

L’évolution iconique des Bains Guerbois à travers les époques

Les Bains douches, de temple du bien-être à icône des nuits parisiennes L’évolution iconique des Bains Guerbois à travers les époques

« Paris avait besoin d’un lieu où l’esprit et le corps pourraient se rencontrer. » C’est avec cette idée en tête qu’en 1885, François-Auguste Guerbois, visionnaire de la scène artistique, donne naissance aux Bains Guerbois, un temple du bien-être et de la culture. Déjà propriétaire du fameux Café Guerbois situé avenue de Clichy, ce café est alors le point de ralliement des grandes figures de l’avant-garde artistique, où Zola, Renoir, Degas, Manet, Monet et Cézanne se retrouvent autour de discussions passionnées. Cet environnement, propice à l’échange et à l’ébullition intellectuelle, pousse François-Auguste et son fils Albert à imaginer un nouveau projet plus ambitieux : offrir aux Parisiens un lieu de détente inédit, à mi-chemin entre le salon mondain et les thermes antiques. En plein cœur du Marais, ils créent donc les Bains Guerbois, un établissement qui incarne le raffinement parisien du XIXe siècle avec ses bains turcs, russes, et ses sulfureuses douches à vapeur. Eugène Ewald, l’architecte derrière cette bâtisse somptueuse en pierre, conçoit un temple du bien-être, qui devient rapidement une destination incontournable pour la haute société parisienne. Marcel Proust en devient un habitué, tout comme le cercle des Batignolles, tandis que l’élite littéraire et artistique de la Belle Époque y vient pour se ressourcer. Ce succès fulgurant témoigne du goût de l’époque pour l’alliance entre santé et culture, où l’on vient non seulement pour soigner son corps, mais aussi pour nourrir son esprit dans une ambiance feutrée et exclusive.

L’histoire des Bains prend un tournant décisif en 1978, quand Jacques Renault et Fabrice Coat décident de transformer ce lieu en déclin en un véritable temple de la vie nocturne parisienne. Rebaptisé « Les Bains Douches », l’espace devient bien plus qu’une simple boîte de nuit : c’est un concept hybride qui fusionne un bar, un restaurant, une salle de concert et un club. Pour marquer cette révolution, ils confient la décoration à un jeune designer encore inconnu, Philippe Starck. Ce dernier transforme le lieu en un écrin où se croisent les influences punk, new wave et avant-gardistes, contribuant à faire des Bains un endroit où l’art, la musique et la mode s’entremêlent. Les plus grands noms de la scène musicale internationale s’y produisent : Joy Division, Suicide, The Clash ou encore les Rita Mitsouko. Mais au-delà de la musique, ce sont les personnalités iconiques qui font des Bains Douches un mythe. Andy Warhol y croise régulièrement Jean-Michel Basquiat, tandis que la jet-set de la mode, incarnée par Yves Saint Laurent, Karl Lagerfeld, Naomi Campbell et Claudia Schiffer, se retrouve sur le légendaire damier noir et blanc de la piste de danse. L’esprit subversif du lieu attire également des figures emblématiques de la culture pop comme Prince, David Bowie ou encore Mick Jagger, qui viennent se mêler à des créateurs français tels que Jean-Paul Gaultier ou Loulou de La Falaise. La diversité est la règle d’or aux Bains, où Marie-Line, la célèbre videuse, opère une sélection drastique à l’entrée, composant sa clientèle avec le flair d’un peintre choisissant ses couleurs. La fête, sulfureuse et électrique, y est un art de vivre, marquant durablement l’âge d’or des nuits parisiennes des années 80.

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L’arrivée des années 2000 marque cependant la fin d’une époque. Les Bains Douches commencent à perdre de leur éclat, concurrencés par de nouveaux clubs du 8e arrondissement. La structure même du bâtiment se fragilise, jusqu’à rendre sa fermeture inévitable en 2010. C’est alors que Jean-Pierre Marois, fils de l’ancien propriétaire et lui-même témoin de l’apogée du club dans les années 80, décide de reprendre les rênes de cet établissement mythique pour lui redonner vie. Ce projet, loin d’être un simple acte de rénovation, est un véritable défi : il s’agit de préserver l’âme pionnière des Bains tout en l’adaptant au XXIe siècle. Marois s’entoure des meilleurs talents pour cette métamorphose, notamment l’architecte Vincent Bastie, spécialiste des boutique-hôtels parisiens, ainsi que les décorateurs Tristan Auer et Denis Montel. Ensemble, ils imaginent un hôtel hybride, Les Bains Paris, qui ouvre ses portes en 2015. Le lieu, composé de 39 chambres et suites uniques, d’un spa, d’un restaurant, d’un bar et d’un club, préserve de nombreux clins d’œil à son passé glorieux. Le mythique bassin des Bains Douches est déplacé et intégré au nouvel espace bien-être, tandis que les chambres sont dotées de hammams privés, rappelant les origines thermales de l’établissement. Le tout est baigné d’une atmosphère « arty » où l’on retrouve des œuvres contemporaines et des événements culturels réguliers, réanimant l’esprit festif des lieux. Des résidences d’artistes, des expositions et des concerts perpétuent cet héritage, faisant des Bains Paris un lieu où se côtoient à nouveau anonymes et célébrités, écrivains, artistes et créateurs, dans une ambiance qui rappelle les grandes heures des Bains Douches. Jean-Pierre Marois l’affirme : « Les Bains sont un lieu où l’on vient pour vivifier ses sens », que ce soit en plongeant dans la piscine à toute heure ou en savourant un cocktail dans l’un des salons aux accents futuristes. L’histoire continue, entre passé glorieux et futur éclatant.