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À Londres, «wesh» is the new «well»

Du rap français aux rues de Londres, la fièvre du «wesh» à fait une nouvelle victime

À Londres, «wesh» is the new «well» Du rap français aux rues de Londres, la fièvre du «wesh» à fait une nouvelle victime

Londres est en pleine épidémie de «wesh». Pas un virus, non, mais une petite interjection venue d'ailleurs qui semble prendre d’assaut la ville britannique. Dans les conversations, sur TikTok, et même dans les lyrics des rappeurs, il a tranquillement remplacé le bon vieux «well», pourtant si typique de la capitale anglaise. Vous vous demandez pourquoi tout le monde à Londres se met soudainement à dire «wesh» ? La réponse est simple : c’est à cause du rap, et plus particulièrement d'une collaboration qui a changé la donne. Tout a commencé avec Central Cee, rappeur britannique superstar, et son featuring avec JRK 19, un rappeur parisien, sur leur morceau Bolide Noir sorti fin août. Si la chanson a fait sensation, ce n’est pas uniquement à cause de la prod ou des punchlines. Une ligne en particulier a retenu l’attention des fans : «Why she keep on saying 'wesh'?». Une simple phrase, qui a pourtant amplement suffi à déclencher un phénomène culturel.

Dérivé de l’arabe algérien, «wesh» est couramment utilisé pour dire «quoi» ou «qu'est-ce qu'il y a ?» dans la langue française des temps modernes. Introduit dans le lexique de la banlieue parisienne dans les années 90, il est rapidement devenu un incontournable de l'argot populaire. En France, Il exprime à la fois surprise, salutation, et parfois même irritation. Un mot multi-fonction, un peu comme un couteau suisse linguistique. Au départ,  c'est en grande partie grâce à la musique, notamment le rap, qu'il a fait son chemin dans les banlieues françaises, avec par exemple Lunatic - un duo de rap formé par Booba et Ali -qui a popularisé le terme dans leur morceau culte Le Crime Paie en 1996. 

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Si les racines du «wesh» sont bien implantées en France, Central Cee a récemment servi malgré lui de passerelle l'exportant vers le Royaume-Uni. Avec ses millions d'abonnés et son influence incontestable sur la scène rap mondiale, tout ce qu'il touche se transforme en or. Alors quand il l’utilise dans Bolide Noir, c’est comme s'il venait d’appuyer sur un interrupteur. Très vite, le mot est devenu viral sur les réseaux sociaux. Un Londonien nommé Nabeel, connu pour ses vidéos humoristiques , a été l'un des premiers à capter l'ampleur de la situation. Dans une vidéo, il plaisante en disant que «Londres vit une pandémie de wesh» et que même son chat l’aurait prononcé. La vidéo a rapidement accumulé des centaines de milliers de vues, propulsant le phénomène dans la culture mainstream. Le rap comme vecteur d'influence est une histoire aussi vieille que le hip-hop lui-même. De Run-D.M.C. à Kendrick Lamar, les rappeurs ont toujours été les pionniers d’un langage qui façonne le quotidien de leurs auditeurs. Et aujourd’hui, ce langage n’a plus de frontières. Des mots qui, autrefois étaient limités à un cercle culturel précis s'exportent à travers la planète grâce aux artistes et aux plateformes. 

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Alors, qu’est-ce qui rend le «wesh» si attrayant pour les jeunes Londoniens ? Peut-être est-ce l'exotisme du mot, son caractère étranger mais familier grâce à l'influence du rap. Peut-être aussi que l’argot français, avec son énergie brute, résonne particulièrement bien avec la jeunesse britannique, avide de nouvelles expressions pour affirmer son identité. Julien Barret, linguiste et auteur du Grand Livre des Punchlines, explique que «les mots voyagent et n'ont pas de frontières». Selon lui, le rap joue un rôle crucial dans cette migration linguistique : «Ce sont les rappeurs qui captent ces mots, qui les fixent sur des supports sonores et écrits, tandis que les dictionnaires, eux, ont un temps de retard.» Cette appropriation linguistique est aussi un reflet des échanges culturels qui s’intensifient entre la France et le Royaume-Uni, en particulier dans les milieux urbains. BW, un créateur de contenu britannique passionné par l’argot français, a passé une partie de l’été à explorer les banlieues de Paris pour en apprendre davantage sur ces expressions. Son intérêt pour l'argot de rue montre bien l'attraction qu’exerce la langue populaire française sur les jeunes de Londres. Et demain ? Peut-être entendrons-nous «wesh» dans des conversations entre jeunes de Tokyo ou de New York. Après tout, comme l'a dit Barret, les mots voyagent. Et avec eux, une part de la culture qui les porte.