L'acquisition par LVMH d’un domaine viticole attise la colère
Quand le luxe sème la discorde dans les vignes bourguignonnes
02 Octobre 2024
15,5 millions d’euros. C’est la somme qu’a déboursé LVMH pour acheter 1,3 hectare du domaine Poisot Père et Fils, à Aloxe-Corton, en Côte-d’Or. Un rachat qui fait polémique car de nombreux exploitants bourguignons sont contraints de vendre leurs terres à cause des droits de succession trop élevés. «Nous restons exploitants de l'ensemble des vignes, le domaine n'a pas été racheté. Nous continuons à travailler sans aucune interférence, LVMH a juste acheté les terres qui appartenaient à ma famille, à cause des problèmes de succession. Et c'est dramatique pour les petits domaines familiaux comme le nôtre, car nous perdons la propriété de la terre» a déclaré la famille auprès des journalistes du Journal du Centre.
Par ailleurs, il ne s’agit pas du premier investissement dans le domaine viticole par le groupe de Bernard Arnault. En effet, le milliardaire avait acquis le domaine des Lambrays à Morey-Saint-Denis en 2014, pour un montant qui n’a pas été rendu public, lui permettant de louer les terres aux exploitants. Cette triste problématique est notamment dûe à l’explosion de la valeur des terres. Dans les colonnes de la Revue de Vin de France, Thiébaut Huber, le président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB), déplore que «les valeurs sont complètement décorrélées». Il explique: «Une terre qui vaudrait 100 000 euros finit par valoir un million. Et plutôt que d’être taxé sur 100 000, on est taxé sur un million.»
Une inquiétude qui gagne de plus en plus la confédération des vignerons pour la Bourgogne. «C'est tout petit à l'échelle mondiale, mais on est réputé dans le monde entier. C'est le fruit de notre travail de qualité, avec un modèle familial qui marche, un respect du territoire, des rendements limités. Si on en vient à être détenus par 10 familles riches dans le monde, il y a un risque de standardisation.» a-t-il expliqué au micro de France 3. Le vigneron à Meursault et président de la CAVB (confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne) s’indigne: «Je me sens en colère, clairement. C’est encore une transaction de plus.»Le syndicat bourgon attend depuis des années que le gouvernement adopte des lois d'orientation agricole. Malheureusement, depuis la dissolution brutale de l'Assemblée nationale en juin dernier, le projet de loi en cours risque d'être retardé encore davantage.