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Emmanuel Carrère, l’alchimiste des mots entre reportage et roman

Un travail où le reportage et la fiction se confondent pour révéler la complexité de la réalité

Emmanuel Carrère, l’alchimiste des mots entre reportage et roman Un travail où le reportage et la fiction se confondent pour révéler la complexité de la réalité

Emmanuel Carrère est l’un des écrivains préférés des journalistes et des lecteurs à la recherche d’histoires authentiques, connu pour son style sans égal mélangeant fiction et reportage, et sa manière de créer une narration fluide dans laquelle anecdote véridique et épisode inventé de toute pièce sont difficilement différençiables. Un réalisme probablement alimenté par le fait qu’il n’ait jamais mis sur pause son travail de reporter à côté de celui d’écrivain, et qu’il se rend encore aujourd’hui sur le terrain afin de fournir des comptes rendus et des chroniques ensuite publiées à l’international. Également scénariste et réalisateur à ses heures perdues, il a plusieurs cordes à son arc qu’il alterne avec habilité et qui ajoutent à ses œuvres littéraires une plus-value qui le rend unique en son genre et inégalable. C'est le cas de V13, son dernier roman en date mixant chronique judiciaire écrite après avoir suivi le procès des attentats du 13 novembre et littérature. Faisons un petit plongeon dans l’histoire de la carrière de l’écrivain et jetons un oeil à sa dernière œuvre. 

Sa carrière débute dans les années 80, en tant que critique cinématographique, mais c’e n'est que quelques années plus tard, au début des années 2000, que sa trajectoire professionnelle prend un tournant tout particulier avec son roman L’adversaire. Après avoir connu ses premiers succès avec des romans comme La moustache ou La classe de neige, c’est L’adversaire qui va lui permettre de trouver sa patte d’écrivain et surtout de faire émerger un nouveau style littéraire jusqu’à présent jamais exploité en France : la non-fiction. En effet, le livre inspiré du procès de Jean-Claude Roman, qui a passé une vingtaine d’années à mentir effrontément à ses proches quant à sa vie et sa profession avant de les tuer une fois son secret découvert afin de les empêcher de parler, est écrit à la première personne et raconté en «Je» par Carrère. Un pronom qui ne le lâchera plus, devenant sa marque de fabrique et marquant ainsi un avant et un après dans sa carrière. 

@lecturesauhasard un livre sur un fait-divers, L’Adversaire d’Emmanuel Carrère. #booktok #booktokfrance #favoritebooks #livreaddict #livretok #recommendations #livre #lecture #bookaddict #explorer #suivre #video #tendance #ladversaire #emmanuelcarrère #jeanclauderomand son original - lecturesauhasard

En effet, sa fascination initiale pour le mystique et la science-fiction le quitte définitivement pour laisser place à un réalisme et une narration crue, honnête, directe. Et bien que cet usage de la première personne n’ait pas fait l’unanimité chez ses lecteurs allant même jusqu'à créer une véritable indignation, certains allant même jusqu'à le traiter de narcissique, lui ne le voit pas de cet oeil là. «J'ai l'impression que c'est une forme d'honnêteté vis-à-vis du lecteur, une façon de lui dire que je ne dis pas la vérité, mais que c'est la vérité que j'ai perçue, comprise, ressentie», se justifie-t-il. Une approche du roman en fait complètement similaire à celle qu’il a du reportage, se portant volontaire comme outil de diffusion de ces faits-divers transmis via un support différent: le livre. Il parle de lui à travers les autres et utilise sa personne comme canal pour raconter les autres. 

@lagrandelibrairieftv "En tant qu’écrivain j’estime que je devrais dire quelque chose de tout ça. Si c’est vraiment ce qui arrive, ça n’a pas de sens de parler d’autre chose." . On a laissé la parole à Emmanuel Carrère pour conclure cette émission, avec un texte inédit qu'il nous lit, droit dans les yeux. #booktok #emmanuelcarrère #litterature Piano music(806612) - Draganov89

Son dernier livre, V13, est donc, en plus d’une chronique judiciaire, un récit de lui et des autres, des victimes des attentats mais aussi des victimes de la peur que ceux-ci ont générés mondialement. Le titre est le raccourci de vendredi 13, le porte-malheur par excellence, qui, le 13 novembre 2015, n’a effectivement pas mis la chance du côté de Paris. Les 9 mois qui ont suivi ce sombre vendredi ont vu plus de 300 témoins défiler lors du procès des attentats, dont des rescapés au récit déchirant. L’écrivain franco-géorgien n’en a pas perdu une miette et a rendu le tout dans une chronique hebdomadaire publiée en France mais aussi dans des grands journaux nationaux d’Espagne, d’Italie et de Suisse. Il en a surtout fait un condensé littéraire, qui constitue V13, y ajoutant une interprétation culturelle et sociétale plutôt que d’en faire un simple compte rendu, incitant ainsi à la réflexion. Un récit dur, lourd dans lequel l’auteur saisit parfaitement l’humanité des sujets impliqués de près ou de loin, qu’elle soit bouleversante, louable, ou monstrueuse.