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Comment passer de « relatable» à influenceuse de luxe

« On est comme vous mais avec un peu plus d’argent »

Comment passer de « relatable»  à influenceuse de luxe « On est comme vous mais avec un peu plus d’argent »

Emma Chamberlain, Léna Situations, Moya Mawhiney … toutes ces youtubeuses ont commencé leur carrière humblement dorées par une image d’influenceuses «authentiques et simples», se présentant comme des copines partageant leur quotidien anodin. Aujourd’hui, grâce à leur influence grandissante, elles mènent un train de vie drastiquement différent, rempli de glamour et de paillettes. Souvent, elles sont sollicitées par les maisons de luxe les plus prestigieuses pour des collaborations ou pour qu’elles assistent à leur défilé.  Comment ces créatrices de contenus ont-elles fait pour passer d’un statut à l’autre sans perdre leur audience? Le premier point commun que semblent partager ces entrepreneuses est leur lien fort avec leur communauté. Emma Chamberlain et Léna Situations sont les exemples parfaits d’influenceuses qui sont parvenues à construire une fan base loyale, engagée et soudée. Leur taux d’engagement respectif sur Instagram est de 4,16% et 6,50% avec en moyenne 309 000 likes et 19 600 commentaires par poste pour Léna. Des chiffres impressionnants compte tenu du fait que la moyenne d’engagement pour les profils qui ont plus d’1 million de followers est de 2,16% selon la plateforme Phlanx.

Toutes deux ont fait leur début sur YouTube avec des vlogs de leur vie quotidienne: Emma était une ado de 15 ans addict au café qui se filmait faire des pâtisseries, Léna racontait depuis sa chambre comment elle jonglait études et petits jobs sur le côté. Ces contenus sobres, sans filtres apparaissaient comme un vent de fraîcheur il y a quelques années alors que YouTube était saturé avec des contenus «parfaits». Depuis, la clé pour établir une communauté fidèle semble être «l’authenticité». Dans la frénésie des réseaux sociaux, le public souhaite se connecter avec des personnes qui montrent leur réelle personnalité. Qu’il s’agisse de dévoiler les détails croustillants sur leur crush en buvant leur café matinal ou de parler sans honte de leur session de thérapie dans leur voiture, plus les influenceurs partagent leur vie privée, plus l’audience a l’impression de les connaître malgré la barrière de l’écran. Dans ce cadre, les vlogs sont un excellent biais pour établir une relation parasociale avec le public. 

La contradiction arrive lorsque ces influenceurs «authentiques» gagnent en popularité avec des millions de followers à leur compte, attirant ensuite des sponsorships généreux et amenant éventuellement à un changement de statut loin des débuts humbles. Comment rester «la copine d’internet» lorsqu’on est invité au dernier défilé Chanel et qu’on reçoit en cadeau un tote bag Dior valorisé à 3 000€? Par exemple, Emma Chamberlain est passé de vivre chez ses parents à acheter une villa à Hollywood estimée à plus de 4 millions de dollars qu’internet a pu découvrir dans Architectural Digest. Elle a collaboré avec de nombreuses marques dont Levi’s, Louis Vuitton ou Artizia. Léna Situations est devenue la première influenceuse française à être invitée deux fois au Met Gala, la soirée mode la plus exclusive et prestigieuse. Ce n’est pas un hasard que les marques de luxe s’intéressent particulièrement aux influenceurs «relatable». Toute la force des influenceurs réside dans la preuve sociale, un principe de psychologie sociale qui explique que lorsqu’un individu ne sait pas quoi faire ou penser, il aura tendance à adopter le comportement ou le point de vue d'autres personnes.

Les marques sont conscientes des limitations d'une offre exclusivement réservée aux riches et perçoivent dans la classe moyenne comme une opportunité lucrative pour élargir leur clientèle et renforcer la fidélité. D'après un rapport de la Brookings Institution, la classe moyenne mondiale devrait atteindre 5,3 milliards de personnes d'ici 2030, avec une croissance majoritairement concentrée en Asie. Cette population en expansion constitue un vaste réservoir de clients potentiels qui, bien que moins fortunés que les consommateurs traditionnels de produits de luxe, disposent d'un revenu disponible suffisant pour des dépenses discrétionnaires. Et sponsoriser les influenceurs «authentiques» avec un taux d’engagement important leur permettent d’atteindre leurs followers qui sont majoritairement issus de la classe moyenne. La difficulté est de ne pas perdre son audience malgré un changement de style de vie que la plupart de la population ne pourra jamais se permettre.

Pour ce faire, les créateurs doivent constamment déclarer leur reconnaissance et leur gratitude, rappelant que c’est grâce à leur communauté qu’ils ont accès à toutes ces opportunités. Le discours silencieusement adopté serait «on est toujours comme vous mais avec un peu plus d’argent». Porter une attention accrue aux marques avec lesquelles les influenceurs décident de collaborer est également un point important pour préserver leur image. Un partenariat avec Amazon alors que le créateur prône la durabilité? Tel serait un faux pas qui pourrait coûter une réputation construite sur plusieurs années, apparaissant comme une trahison impardonnable pour l’audience. Le but n’est pas de critiquer le succès de ces personnalités mais souligner l’importance pour le public de reconnaître les mécanismes mis en place derrière leurs influenceurs préférés.