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Est-ce qu'on aurait dû gatekeep la Fête de la Musique plus longtemps ?

Entre globalisation, marketing et quête d'authenticité : l’évolution complexe de cette fête populaire

Est-ce qu'on aurait dû gatekeep la Fête de la Musique plus longtemps ? Entre globalisation, marketing et quête d'authenticité : l’évolution complexe de cette fête populaire

Il fut un temps où la Fête de la Musique était synonyme de déambulations en famille dans les rues, de fêtes improvisées chez les commerçants du coin, de longues soirées passées sur les terrasses des bars à écouter des inconnus se produire, ou de rassemblements sur les quais, avant de finir la nuit dans une fête clandestine en périphérie. En province, cet événement a su préserver son charme authentique, mais à Paris, couplée avec la Fashion Week masculine, il a pris une tout autre ampleur. Pendant une semaine, la ville est envahie par des professionnels de la mode et des touristes venus en masse. Les marques monopolisent l’espace public et sortir devient un véritable marathon plutôt qu'une partie de plaisir.  Quelle marque décrochera le sésame de la meilleure soirée ? Quelle personnalité investira quel lieu ? Qui aura-t-on l'honneur de croiser ? Au centre de cette frénésie, la Fête de la Musique, malgré elle, semble être devenue le point culminant des festivités. Et ces dernières années, elle s'apparente énormément à une opération marketing, mettant en avant les grands noms de l'industrie musicale et les marques au détriment des artistes indépendants et locaux. Cela nous amène à nous interroger : aurions-nous dû conserver la Fête de la Musique plus simple, plus locale, un peu plus longtemps ?

« La musique sera partout et le concert nulle part » !

@yg.unoff Book your trip to Paris NOW! (You’ll be around black people I promise!) #Paristok #todoinparis #partiesinparis #juneinParis #holidaysinparis #fypシ #pourtoi #summerinparis #afroparties #xyzbca #danceinparis Holiday - Rema

Ces mots prophétiques de Maurice Fleuret en 1981, co-concepteur de cet événement avec Jack Lang et Christian Dupavillon, résument l'essence même de la Fête de la Musique. Pour Fleuret, cette fête devait être une « libération sonore, une ivresse, un vertige plus authentiques, plus intimes, plus éloquents que l’art ». En 1982, une grande enquête sur les pratiques culturelles des Français révèle que 5 millions de personnes, dont la moitié de jeunes, jouent d'un instrument de musique. Ainsi, le 21 juin de cette même année, La Fête de la Musique voit le jour, une célébration ouverte, gratuite et sans hiérarchie de genre ou de classe. Dès sa première édition, elle incarne un moment de partage et de convivialité, où les musiciens amateurs envahissent les rues, les parcs, les jardins et même les hôpitaux, les prisons et les maisons de retraite. Le but est clair : faire descendre la musique dans la rue, la rendre accessible à tous et promouvoir la diversité musicale. Rapidement, cette fête devient le symbole de la démocratisation culturelle souhaitée par Jack Lang, alors ministre de la Culture, qui rêvait que « la musique soit une fête, et que la fête soit musicale ». Mais face à ce qu'elle est devenue aujourd'hui, que penseraient-ils ?

Un essor qui hérisse le poil des puristes

@sagevanalstine one of the best days of the year is fete de la musique in france! cant wait to dance in the streets all night on this sunny day #americaninparis #parislife #parisnightout #fetedelamusique #fetedelamusiqueparis original sound - Sage VanAlstine

Cependant, ce bel esprit de convivialité et de spontanéité semble s’être dilué avec le temps. La coïncidence de la Fête de la Musique avec la Fashion Week masculine a intensifié l’effervescence de l'événement, transformant les rues parisiennes en un terrain de rencontres mondaines où le spectacle prime souvent sur la musique elle-même. Les marques ont flairé le bon filon et s’en sont emparées, transformant cette fête populaire en une véritable poule aux œufs d’or.  Les rues de Paris sont devenues surpeuplées, compliquant les déplacements d’un événement à un autre et réduisant le plaisir de l’expérience musicale. Pour de nombreux parisiens, cette fête autrefois intimiste semble désormais plus destinée à un public international qu’aux habitants eux-mêmes. Cette année, l'ambiance était particulièrement particulière. Les attentes étaient élevées, probablement alimentées par les réseaux sociaux qui, devenus de véritables agences de tourisme 2.0, avaient vendu les festivités comme l’événement de l’année. Cependant, de nombreux visages semblaient déçus, courants de block parties en block parties sans en trouver une à leur goût, car trop bondées. 

Alors, to gatekeep or not to gatekeep? 

@tchoupiinparis Vraiment je suis choqué de cet évènement à Paris pour la fête de la musique qui était GRATUIT ??? Les DJ étaient oufs et c’était trop beau #montmartre #paris #fetedelamusique son original - Tchoupi in Paris

Bien évidemment, tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Il serait contraire aux valeurs originelles de la Fête de la Musique de la restreindre de manière excessive. L'ouverture internationale de cet événement, désormais célébré dans plus de 120 pays et 700 villes chaque 21 juin, présente des avantages indéniables. Les musiciens amateurs et professionnels peuvent partager leurs créations avec un public de tous horizons, transformant cette journée en une plateforme de découverte et de reconnaissance pour de nombreux artistes. Malgré ses transformations, elle reste une célébration universelle de ce langage commun qui transcende les frontières et unit. Il est de notre responsabilité collective de veiller à ce que cet esprit perdure, malgré les défis et les évolutions inévitables. En équilibrant les dimensions locale et globale, nous pouvons espérer retrouver un peu de l'authenticité qui faisait son charme, tout en profitant des avantages qu'apporte sa reconnaissance internationale.