Le manque de tiers-lieux nous fait déprimer

En sociologie, un tiers-lieu s’agit d’un environnement social qui diffère de la maison et du travail, considérés comme premier et second lieux. Les tiers-lieux se rapportent à des espaces destinés à la vie sociale et communautaire où les individus peuvent se rencontrer, se réunir et échanger de manière informelle. Ce sont par exemple des cafés, bars, espaces de coworking, parcs etc. La théorie provient du sociologue urbain américain Ray Oldenburg qui l’a conceptualisée en 1989 dans son ouvrage The Great Good Place. Ces espaces sont considérés comme essentiels dans les démocraties où l’interaction humaine est primordiale pour proliférer des nouvelles idées, perspectives mais surtout afin de créer et maintenir des connexions sociales qui ont du sens. Ces derniers mois, nombre d’internautes expliquent que le manque de ces tiers-lieux aurait un lien de causalité direct avec notre santé mentale dégradante. En effet, dans un contexte post-covid, la solitude est devenue une problématique criante dans notre société.  De manière simple, l’absence d’espaces de rencontres réduit drastiquement les possibilités de créer de nouveaux liens sociaux. Et comme le monde l’a durement constaté avec la pandémie, l’interaction humaine est primordiale quant au maintien de notre santé mentale. 

L’accessibilité du lieu, autant physique que financière, s'agit d’un facteur incontournable quant au développement des tiers-lieux. S’il y a un espace de coworking près de chez vous mais qu’il faut payer 700€ par mois pour y accéder, seule une partie infime de la population pourra s’y inscrire. Quand nous y réfléchissons: notre ville dispose-t-elle de tiers-lieux accessibles? Le manque de tiers-lieux abordables nous pousserait à passer plus de temps sur les réseaux sociaux car ces derniers nous offrent l’illusion d’un tiers-lieu. Ils sont gratuits, accessibles et facilitent la communication avec son cercle social et offrent même la possibilité de créer de nouveaux liens. Inconsciemment, nous comblons l’absence d’interactions dans la vie réelle avec les réseaux sociaux. Cependant, des études telles que celle publiée par the Scientific Reports en 2023, révèlent que l’interaction en personnes impacte de manière positive notre bien-être alors que l’interaction virtuelle n’y apporte rien. En d’autres mots, les échanges virtuels ne peuvent remplacer les échanges face-to-face ainsi que les bénéfices qui en découlent. L’être humain est un animal social et a cruellement besoin de rencontres physiques pour être heureux. 

De plus, avec l’avènement du télétravail, la maison et le bureau, c’est-à-dire, le premier et second lieux se confondent, s’entre-mêlent et rendent difficile la séparation de ces derniers. Le tiers-lieu permettrait de distinguer les deux et offrirait un espace de relaxation réel où nous sommes soumis ni au stress du travail ni à celui des tâches ménagères. Le rôle des tiers-lieux n’a jamais été aussi important. Depuis quelques années, le gouvernement français s’est taclé à la problématique et a décidé d’investir dans le développement de tiers-lieux. D’après l’organisme France Tiers-Lieux, entre 2018 et 2023, le nombre de tiers-lieux en France a doublé, atteignant 3500 espaces. L’État poursuit son engagement et une nouvelle vague de déploiement d’espaces sociaux est prévue sur les deux prochaines années. Il est fort à espérer que ces mesures contribueront au bien-être social pour tout le monde, offrant des espaces accessibles, durables et inclusifs.