L'histoire emblématique de Louise Bourgeois

Exploratrice intrépide du conscient et de l'inconscient, Louise Bourgeois se démarque en tant qu'artiste pluridisciplinaire qui, sans crainte, a exploré divers moyens artistiques. Elle émerge comme une figure de proue majeure de l'expressionnisme abstrait, du surréalisme, et de l'art féministe. Cette artiste franco-américaine extraordinairement créative a laissé une empreinte indélébile, inspirant non seulement une génération d'artistes, de designers et de musiciens, mais même des personnalités telles que Kanye West, qui s'est inspiré d'elle pour la pochette de son album Donda en 2021. Née le jour de Noël en 1911 à Paris au sein d'une famille modeste propriétaire d'une galerie de tapisseries anciennes, Louise Bourgeois a été initiée à la communauté artistique dès son enfance. Ses premiers pas dans le monde du design et de la créativité se firent en remplissant les motifs des tapisseries usées que sa famille entretenait. Bien qu'elle ait entamé des études de mathématiques et de géométrie à la Sorbonne en 1930, disciplines qu'elle louait pour leur stabilité et leurs règles strictes, cette voie fut éphémère. La mort de sa mère en 1932 et les traumatismes familiaux qui en découlèrent la poussèrent à affronter ses souvenirs douloureux à travers l'art. Ce choix devint une forme de thérapie, transformant ses expériences les plus pénibles en œuvres d'art belles et stimulantes. Aujourd'hui, Louise Bourgeois est reconnue comme l'une des plus grandes artistes du monde, une sculpture éminente dont l'œuvre transcende les limites de son sexe, comme elle le souligne.

Les débuts d'une exploration sans crainte

Toujours confrontée à la perte de sa mère et à son désir d'entrer dans le monde de l’art, un parcours que sa mère a toujours encouragé, Bourgeois commence à étudier à l'École des Beaux-Arts et à l'École du Louvre, ainsi que dans plusieurs académies indépendantes telles que l'Académie Colarossi, fondée par le sculpteur italien Filippo Colarossi. Assoiffée d'expérience pratique, plutôt que d'être confinée dans une salle, elle cherche à acquérir une expérience de première main et commence à visiter les ateliers de la région parisienne, apprenant les techniques auprès d'artistes établis. Elle est également l'apprentie d'artistes renommés tels que Fernand Léger, Paul Colin et André Lhote. Cependant, ces apprentissages particuliers ont amené Bourgeois à remettre en question la domination patriarcale qui régnait dans le monde de l'art au début du 20e siècle, elle a donc décidé de se lancer dans l'aventure afin de trouver sa propre réussite. Malgré leur relation tendue, défini par un sentiment d’abandon et maltraitance, elle ouvre sa propre galerie à côté de la galerie de tapisserie que son père exploite désormais seul. Elle y expose plusieurs artistes, dont Henri Matisse et Suzanne Valadon, tout en vendant ses propres dessins et gravures, avant de rencontrer son futur mari, le professeur d'art américain Robert Goldwater. Leur relation s'est révélée extrêmement importante pour l'artiste, qui a rapidement fait ses adieux à Paris et s'est installée à New York pour rejoindre son nouvel époux. Ils sont restés ensemble jusqu'à sa mort dans les années 1970, et il a toujours soutenu son travail.

La Bonne Mère

Janus Fleuri

Femme Maison

Autoportrait Torse

Les années 1940 ont représenté de nombreux défis pour l'artiste française, qui tentait de s'assimiler à un nouveau pays tout en essayant de se faire une place dans le monde de l'art à New York, tout en élevant trois enfants. En 1946, elle réalise l'une de ses séries de peintures les plus connues : Femme Maison, qui explore le rôle des femmes dans le monde en remplaçant les têtes de femmes par des maisons, une exploration féministe de la domesticité. Cependant, Bourgeois rejette l'idée que son art soit défini comme "féministe" en déclarant : «Il n'y a pas d'expérience féminine dans l'art, du moins pas dans mon cas, parce que ce n'est pas seulement en étant une femme que l'on a une expérience différente». Malgré cette affirmation, son œuvre présente presque exclusivement des sujets féminins au fur et à mesure qu'elle avance dans la vie, comme Autoportrait Torse (1963-1964), Janus Fleuri (1968) ou La Bonne Mère (2003). Bourgeois affirme que ses œuvres traitent de problèmes antérieurs au genre, bien que la montée du mouvement féministe dans les années 1970 ait été à l'origine de sa notoriété en tant qu'artiste. Ses œuvres étaient sexuellement explicites, tactiles et provocantes, inspirant souvent les femmes et les incitant à réclamer leur pouvoir. C'est ainsi qu'en 1976, sa série Femme Maison a fait la couverture du livre de Lucy Lippard From the Center : Feminist Essays on Women's Art de Lucy Lippard, faisant d'elle une icône du mouvement artistique féministe, qu'elle se sente ou non en accord avec cette appellation.

Explorer les thèmes de la douleur et du traumatisme au nom de l'art

Destruction of the Father

Simone Rocha SS15

Dans les années 1970, Louise Bourgeois s'est affirmée sur la scène artistique new-yorkaise, allant même jusqu'à dispenser des cours dans certaines des meilleures écoles d'art de la ville, ainsi que dans des écoles publiques. Durant cette période, elle a concentré son attention principalement sur la gravure et la sculpture, deux piliers essentiels de sa carrière artistique. Sa première rétrospective, organisée en 1982 au Musée d'art moderne, a été marquée par sa déclaration au public lors du vernissage, affirmant que son travail était purement autobiographique et constituait, d'une certaine manière, une manière obsessionnelle de revivre les traumatismes de son enfance et de travailler à sa guérison. Au cours de cette période, elle a créé certaines de ses sculptures les plus emblématiques, parmi lesquelles figure Destruction of the Father. Cette œuvre, mettant en scène des éléments bulbeux couleur de peau suspendus au-dessus et autour d'une table stylisée, peut être considérée comme l'une de ses plus sombres, transportant les spectateurs sur la scène d'un crime où le père est détruit par ses enfants. C'est manifestement une ode à la relation complexe qu'elle entretenait avec son père, s'imposant comme l'une de ses créations les plus stimulantes. À cette époque, le New York Times décrivait son travail comme «chargé de tendresse et de violence, d'acceptation et de défi, d'ambivalence et de conviction», une description diverse qui fait allusion à la difficulté de définir son style artistique et ses inspirations.

L'œuvre la plus célèbre de Bourgeois a peut-être été réalisée à la fin des années 1990, lorsque l'araignée est devenue le sujet central de son expression artistique. Maman, une structure imposante en acier et en marbre de 9 mètres de haut, a donné naissance à six éditions supplémentaires en bronze, représentant une araignée aux pattes massives enveloppant une surface imposante. Malgré sa stature impressionnante, l'artiste a décrit l'œuvre comme «une ode à ma mère», expliquant que sa mère était une tisseuse, tout comme les araignées, intelligentes et utiles, protégeant comme elle l'a fait toute sa vie. Installée à divers endroits, y compris récemment au Qatar National Convention Centre à Doha, Maman a établi un nouveau record de vente aux enchères pour une sculpture réalisée par une artiste féminine en mai 2023, se vendant à 34 millions d'euros lors d'une vente Sotheby's à New York. L'empreinte de Bourgeois sur la mode est également notable, avec Simone Rocha créant une robe inspirée de Maman pour sa collection BA, présentée lors de la nouvelle exposition Echo. Wrapped in Memory au MoMu d'Anvers, explorant le lien entre la mémoire et les vêtements. Bourgeois avait une affinité particulière avec le tactile et le textile depuis ses débuts dans l'atelier de tapisserie de ses parents. Elle entretenait même une amitié étroite avec Helmut Lang, pour qui elle a participé à plusieurs campagnes publicitaires avant sa mort. Bourgeois s'est éteinte en 2010 des suites d'une insuffisance cardiaque, continuant à créer des œuvres d'art jusqu'à ses dernières semaines. Ainsi, elle a cimenté une carrière de plusieurs décennies qui a inspiré une génération de créatifs à explorer leurs souvenirs les plus sombres dans une expérience cathartique visant à guérir et à inspirer.