
Retour aux sources pour Gucci Continuum lors de la FW25
La collection co-ed de la marque italienne est un pont entre le présent, le passé et l'avenir
25 Février 2025
Nous sommes au défilé FW23, Gucci défile pour la première fois orpheline de Alessandro Michele, avec une collection soulevant plusieurs incertitudes sur l'identité et la direction créative que Sabato De Sarno (alors une nomination encore vierge) prendrait une fois en poste. Un peu plus de deux ans plus tard, nous revoilà au point de départ, à moins de vingt jours de l'annonce que la marque phare de Kering est, une fois de plus, sans direction stylistique. Après s'être parée du célèbre Rosso Ancora ces deux dernières années, Gucci se concentre désormais sur une autre couleur emblématique de la Maison : le vert forêt. De la teinte préférée de De Sarno dans cette collection, on ne retrouve aucune trace. Une salle entière recouverte de velours aux tons naturels brillait avec un immense double G au centre, le logo de la Maison qui célèbre cette année ses 50 ans. Un voyage dans le temps allant du passé vers le futur, raison pour laquelle la collection a été baptisée Continuum. Le défilé a commencé de manière surprenante, en ne lésinant pas sur les son pop de Mina et Fiordaliso qui avaient caractérisé les dernières saisons pour s'approcher d'une nouvelle rigueur, cette fois marquée par l'orchestre de Justin Hurwitz (compositeur oscarisé, célèbre pour les bandes originales de La La Land et Whiplash). Les mannequins ont défilé trois fois : le premier passage se concentrait sur la collection femme, le deuxième sur celle pour homme et le troisième a servi à clôturer le tout, présentant officiellement la collection mixte FW25 de Gucci.
La première partie, dédiée à la femme, était une ode à tous les directeurs créatifs qui ont marqué l'histoire de la marque. Dès la FW23, nous avions constaté que les collections transitoires tendent à être un mélange d'influences précédentes, tant pour des raisons de sécurité que pour favoriser dans l'imaginaire collectif une remise à zéro générale de la marque. Cette saison, la femme Gucci revient un peu baroque à la Alessandro Michele, avec de longues fourrures assorties à des foulards aux imprimés classiques. Un sens distinctif du style italien, caractérisé par la sprezzatura - la parfaite imperfection, une aisance étudiée - imprègne la collection, réaffirmant son identité entre tradition et innovation. Pour les vêtements d'extérieur, les vestes trois-quarts ont délaissé la logo-mania de De Sarno pour adopter une coupe années 60, avec de gros boutons. Évidemment, pour suivre les tendances actuelles, Gucci a misé sur des jupes crayon midi - dans des tons neutres, avec des motifs ou ornées de pierres - souvent associées à des bodys en dentelle rappelant l'emblématique transparence Tom Ford. La palette du prochain hiver sera dominée par des tons pastel, affirme le bureau de style de la maison, avec le jaune banane et le lilas comme couleurs phares. Loin du minimalisme apparent et du pseudo-brutalisme de De Sarno, nous faisons face à un Gucci plus exubérant, avec quelques détails kitsch - comme les chaussettes et le body en velours à logo double G incrusté de Swarovski.
Les véritables protagonistes de la saison ont été les sacs, enfin remis en lumière après une période plus terne. Outre le nouveau Horsebit 1955 oversize souple, Gucci a présenté de nouveaux modèles pour la FW25, dont un hobo inspiré des sacs japonais et un nouveau mors, cette fois plus imposant (repris aussi dans les colliers et chokers pour femmes). Le véritable retour a été celui du Bamboo, qui dans cette version se transforme en un cabas en vinyle capable de refléter chaque rayon de lumière malgré des tons sombres. Du maxi au mini, le mors se multiplie pour devenir la vedette de la ligne d'accessoires, allant de la anse du nouveau sac à épaule à la fermeture à clic du nouveau Gucci Siena.
Bien que le défilé ait été mixte, l'attention portée à l'homme a été nettement moindre par rapport à la collection féminine. L'accent principal a été mis sur un retour à la haute couture, avec des références claires aux années 70, entre vestes croisées structurées, cols roulés omniprésents et gilets en maille cette fois associés à des chemises scintillantes. On dirait presque que l'inspiration masculine provient des publicités Palmolive de la fin des années 60, avec des looks combinant l'austérité du père travailleur à celle plus ludique du fils qui l'attend à la maison. Les vêtements d'extérieur ont dominé la collection homme, avec de longs manteaux oversize - dont un en vinyle à effet écaille - et des vestes en laine à col. D'ailleurs, jusqu'à ce que les mannequins ne reprennent leur marche pour la deuxième fois, le vestiaire masculin semblait presque passé inaperçu. Les sacs étaient également présents ici, avec une nouvelle sacoche 48 heures en daim vert forêt ornée du tricolore. Peut-être que la partie la plus enthousiasmante de la collection masculine a été la présence de plusieurs modèles de lunettes, elles aussi revenant vers des influences de milieu de siècle, abandonnant la rigidité carrée des collections précédentes.
Jin of BTS looks incredible at the Gucci show for Milan Fashion Week pic.twitter.com/PBAYtjsQxP
— nss magazine (@nssmag) February 25, 2025
Il est difficile de comprendre ce qui se passe dans les coulisses, surtout si l'on pense qu'au début du mois, nous étions convaincus d'assister à cette Milano Fashion Week avec la septième collection de Sabato De Sarno. Pourtant, l'équipe de la Maison a réussi à mettre sur pied une collection et un spectacle qui marquent une rupture nette avec le Gucci des deux dernières années. Si des incertitudes persistent quant au successeur du designer napolitain (la marque et Kering ont confirmé qu'une nomination devrait être annoncée prochainement), une chose est sûre : Gucci cherche à rentrer chez elle. Peut-être que la collection Croisière du prochain 15 mai viendra confirmer cette intuition, lorsque la marque défilera dans sa ville d'origine, Florence. C'est l'aube d'une nouvelle ère pour Gucci, qui a laissé le Rosso Ancora dans le passé pour se parer de vert forêt.