
La Chine est-elle en pleine reprise ?
La crise du luxe touche peut-être à sa fin
24 Février 2025
Le début de l’Année du Serpent semble avoir été de bon augure pour le paysage du luxe en Chine. Selon les derniers rapports du National Bureau of Statistics, à Shanghai, on a enregistré en janvier une hausse de 0,4% des prix des logements neufs d’un mois sur l’autre, la plus forte progression parmi les 70 principales villes du pays. D’après YiCai Global, plus de 7 500 logements existants ont déjà été vendus durant la première moitié de février, avec des estimations dépassant les 15 000 unités d’ici la fin du mois, un niveau inédit depuis 2022. Ce chiffre est particulièrement remarquable, car la période du Nouvel An lunaire ne coïncide généralement pas avec un pic des transactions immobilières. De manière générale, depuis le début de l’année, les prévisions pour le secteur immobilier — considéré comme l’un des principaux responsables de la crise du luxe de l’an dernier, les biens immobiliers représentant plus de 70 % du patrimoine des ménages selon la Banque populaire de Chine — sont plus optimistes. L’agence Centaline Property note qu’à la mi-février, le marché des nouveaux bâtiments résidentiels a progressé de 63 % sur un mois. Ailleurs en Chine, la situation reste stable avec des variations minimes (0,1 %) à Pékin, Canton et Shenzhen. Selon des calculs de Reuters, les prix des logements neufs au niveau national sont restés globalement stables, tandis que ceux des logements anciens dans les villes de second et troisième rangs ont reculé respectivement de 6,0 % et 8,2 % sur un an. Mais alors, la Chine est-elle réellement en reprise ?
Oui et non : le gouvernement central de Pékin s’efforce de stabiliser le marché immobilier et, par conséquent, de soutenir les secteurs connexes, notamment le luxe. Cependant, la véritable problématique reste la fragilité structurelle de l’ensemble du secteur immobilier chinois. Malgré des signes encourageants à Shanghai, le panorama national demeure incertain. La crise des grands promoteurs reste non résolue, comme en témoigne le sauvetage de 42 milliards de RMB accordé à China Vanke, l’un des principaux groupes immobiliers du pays, cité par JingDaily. Longtemps pilier de la croissance économique et du patrimoine des ménages, le marché immobilier est aujourd’hui confronté à un changement de paradigme : The Diplomat rapporte en effet une baisse des nouvelles constructions de plus de 60 % par rapport aux niveaux pré-pandémiques, l’un des reculs les plus marqués au monde depuis trente ans. Cela a des répercussions inévitables sur le segment du luxe, la demande de biens haut de gamme étant étroitement liée à la stabilité financière des classes moyenne et supérieure chinoises, qui considèrent traditionnellement la pierre comme le principal vecteur d’investissement et de sécurisation du patrimoine. Le ralentissement des ventes dans de nombreuses villes de second et troisième rangs ainsi que la baisse des prix des logements existants suggèrent par ailleurs qu’une part significative de la population pourrait être moins encline à dépenser dans le luxe à court terme, surtout si la perception de sa richesse continue de s’éroder.
China’s property sector crisis started in 2021 with the default of the Evergrande Group.
— Visegrád 24 (@visegrad24) September 2, 2024
The problems are still there with millions of newly built flats that can’t be sold.
Often the buildings are blown up to minimize losses
pic.twitter.com/hwrf1nezi1
Parmi les facteurs cruciaux pour une reprise durable du marché immobilier (et donc du luxe), figure également la volonté — ou du moins la possibilité — des nouvelles générations d’investir dans la pierre. Selon The Diplomat, entre 2010 et 2020, la proportion de Chinois âgés de 25 à 34 ans propriétaires de leur logement est passée de 70 % à 50 %, avec des taux de location atteignant 30 % dans les principales métropoles. Ce phénomène a un impact significatif sur le marché du luxe, l’achat immobilier ayant souvent représenté la première étape dans l’accumulation de richesse et la consommation de produits haut de gamme. Il ne s’agit pas d’un changement de mentalité, mais d’une insuffisance de ressources : plus de 70 % des nouveaux acquéreurs dépendent des économies de leurs parents pour le versement de l’apport initial, preuve qu’en l’absence de soutien familial, de nombreux jeunes ne pourraient pas accéder à la propriété. Cela pourrait entraîner une baisse structurelle de la capacité de consommation de produits de luxe pour une part croissante de consommateurs.
From Spain to Shanghai.
— LOEWE (@LoeweOfficial) February 18, 2025
The façade of CASA LOEWE Shanghai is created by 35,536 individual golden ceramic tiles made by Barcelona-based Studio Cumella. Materials sourced from the mountains of eastern Spain were transformed into the glimmering golden exterior that now lights up… pic.twitter.com/TVsYERXTxO
Alors, le luxe en Chine est-il vraiment en reprise ? Cela dépend. Si l’on s’en tient uniquement au rebond des ventes immobilières à Shanghai, la réponse pourrait être positive. Une analyse plus large offre toutefois un tableau bien plus nuancé : le luxe ne peut prospérer sans des bases économiques solides. Selon JingDaily, les chiffres encourageants de Shanghai ne doivent pas être sous-estimés, même s’ils apparaissent aujourd’hui comme une exception. D’un autre côté, le lien étroit entre le marché immobilier et les dépenses en biens haut de gamme laisse penser que tant que le secteur demeurera fragile, le luxe en subira des conséquences négatives à court terme. Si, en revanche, la reprise s’étendait au-delà de l’“île heureuse” de Shanghai pour toucher les principales villes stratégiques pour le secteur du luxe, alors oui, nous pourrions assister à l’avènement d’une nouvelle ère du luxe. Après tout, l’année 2025 ne fait que commencer.