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Louis Vuitton déroge à la règle tacite des défilés croisière

Cette année, la Maison préfère la synergie locale au storytelling global

Louis Vuitton déroge à la règle tacite des défilés croisière Cette année, la Maison préfère la synergie locale au storytelling global

Alors que Dior s’envolera pour Rome le 27 mai prochain et que Chanel sera au lac de Côme à la même période et pour la même raison après son escale en Chine il y a quelques mois pour la collection Métiers d’Art, Louis Vuitton, pour une fois, à décidé de ne pas respecter la règle tacite des collections croisières qui consiste à partir vers de nouveaux horizons pour la dévoiler au monde entier. En effet, le 22 mai 2025, la Maison restera bien ancrée, les pieds sur terre mais la tête dans les nuages, car elle a décidé de présenter son défilé sur le sol français. Après le parc Güell de Barcelone l’année dernière, l’Isola Bella sur le lac Majeur en Italie l’année d’avant ou bien le Japon, le Brésil et le soleil de Palm Springs quelques années plus tôt encore,  la marque française restera au pays comme elle l’a déjà fait en 2022, bien que l’on ne sache pas encore dans quelle partie du pays le défilé aura lieu. Une chose est toutefois certaine : peu importe la région, Nicolas Ghesquière, directeur artistique des collections féminines de Vuitton depuis 2013, choisira le lieu parfait comme toile de fond pour mettre en valeur comme il se doit ses pièces estivales. 

Les défilés croisières - aussi appelés cruise ou resort - firent leur apparition dans les années 20, en tant que lignes intermédiaires imaginées pour une clientèle fortunée désirant se rendre au soleil durant les mois froids d’hiver plutôt que d’affronter la grisaille. Aujourd’hui, ces collections sont essentielles au calendrier de la Fashion Week et représentent un sympathique mais très sérieux  intervalle entre les grosses collections SS et FW, touchant un public vaste et varié, éparpillé aux quatre coins du monde. Si elles n’ont pas toujours été considérées comme utiles et ont été vivement critiquées par plusieurs créateurs comme Azzedine Alaïa, elles ont toutefois quelques avantages non négociables. Premièrement, au vu de leurs dates hors fashion week, les collections croisières bénéficient d’une majeure exposition sur les réseaux sociaux. Si les fashion week de septembre et février constituent bien sûr  un événement médiatique primordial pour la fashion sphère, ce condensé de défilés et d’informations peut parfois sembler overwhelming pour le public, tandis que l’espacement entre un défilé croisière et l’autre laisse le temps au client d’assimiler tout ce dont il a été témoin. Et bien sûr, qui dit majeure visibilité dit majeure clientèle touchée, dit aussi majeurs bénéfices, rendant ces collections bien plus rentables et lucratives que n’importe quelles autres. 

Mais ce n’est pas tout : la localisation du défilé joue aussi un rôle clé dans le succès que ce dernier obtiendra et les ventes qu'elle générera. Même si Chanel a depuis l’époque de sa fondatrice Gabrielle Chanel un lien étroit avec la Chine, tout le monde a très bien compris pourquoi la maison a choisi le lac d'Hangzhou comme destination pour son défilé Métiers d’Art en novembre dernier, en plein milieu d’une crise du secteur engendrée majoritairement par la Chine qui ne consomme plus le luxe comme avant. S’il y a quelques années, les maisons pouvaient se permettre de choisir de s’envoler vers des pays divers et variés pour la collection resort, choisis en fonction de leur préférences personnelles, aujourd’hui la localisation et ses avantages doivent être scrupuleusement étudiés. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous observons toujours plus de repeat shows : le fait de présenter une collection déjà existante et déjà dévoilée dans un pays étranger afin d'atteindre un autre type de clientèle, comme l’a fait récemment Chanel à Hong Kong. 

Est-ce donc une si bonne idée pour Louis Vuitton de rester sur son territoire français bien aimé, au risque de perdre une narration de voyage riche et qui attirerait sans aucun doute la curiosité de clients du monde entier ? Peut-être bien que oui, au final, car ce qui intéresse le public, dans ces défilés cruise, c’est de retrouver un storytelling fort et un lien puissant entre la marque et le lieu du défilé. Quel lien pourrait bien être plus fort que celui qui relie Louis Vuitton à la France ? Si la présence du défilé croisière Dior à Rome fait tout à fait sens au vu de la connexion entre sa directrice Maria Grazia Chiuri et la ville éternelle qui l’a vu naître, la présentation de Louis Vuitton en France semble tout aussi censée pour ce genre d’événement. Et en parlant de Dior, selon une étude universitaire portant sur les défilés et collections Croisière de 2012 à 2022 réalisée par des grandes maisons de luxe, la maison s’est d’ailleurs distinguée comme l’une des rares à dépasser la simple évocation d’imaginaires d’évasion. En effet, en créant de véritables synergies avec les destinations choisies pour ses collections, allant bien au-delà de la visibilité offerte à ces lieux, les défilés croisières apportent à ces derniers des effets très positifs à court terme, notamment en matière de tourisme et de développement des entreprises locales. Par exemple, Arles a bénéficié d’un essor notable après le défilé Gucci Croisière 2019, tout comme la Grèce, mise en lumière après le défilé Dior Croisière 2022 organisé à Athènes, juste après la pandémie. La collection croisière de Louis Vuitton en France pourrait donc bien montrer au monde entier de quel bois les petits coins reculés de France se chauffent. Pourquoi se causer des problèmes en organisant un événement d’une telle envergure à l’autre bout du monde quand on a des petits coins de paradis qui n’attendent qu’à être découverts à proximité?