Pourquoi aime-t-on regarder les critiques de mode cracher sur les tenues de stars?
La psychologie derrière le plaisir coupable des fashion faux pas des célébrités
04 Novembre 2024
La critique de mode a toujours tenu une place singulière dans la culture populaire. Jadis, les émissions comme Fashion Police, incarnées par des personnalités audacieuses telles que Joan Rivers, étaient le rendez-vous immanquable des amateurs de style, et surtout des critiques sans concession. Aujourd'hui, une nouvelle génération de critiques de mode comme Mandy Lee ou HauteLeMode prend la relève avec des approches variées, parfois teintées de sarcasme, de réflexion sociétale, voire d’engagement politique. Pourquoi ce plaisir coupable persiste-t-il, et même grandit-il ? Qu'est-ce qui nous attire tant dans cette façon de voir des célébrités démolies pour leurs choix vestimentaires ? L'explication réside dans un mélange de psychologie sociale, de confirmation des biais, et d’un penchant pour la transgression.
La critique de mode, et plus spécifiquement celle qui consiste à «cracher» sur les tenues des stars, permet d'échapper au quotidien pour entrer dans une forme de jugement collectif. Ce jugement repose en partie sur un biais de confirmation, un phénomène psychologique bien documenté, qui explique notre tendance à rechercher et à valoriser les informations qui renforcent nos croyances ou nos opinions. Regarder un YouTuber dézinguer un look risqué de célébrité nous conforte dans notre propre jugement. Ce biais est rassurant, car il nous donne la sensation d'appartenir à une communauté de goûts partagés et de normes esthétiques. En d’autres termes, voir que des spécialistes de mode ont le même avis que nous sur la dernière robe de Zendaya nous réconforte et nous pousse à consommer davantage ce genre de contenus.
Il est difficile d’ignorer la notion de « schadenfreude », ce terme allemand qui signifie « se réjouir du malheur des autres ». Cela pourrait sembler extrême pour un choix de robe raté ou un mauvais choix de combinaison de couleurs, mais le schadenfreude fonctionne aussi dans ce contexte. Voir des célébrités se faire critiquer pour leurs choix de mode détonants réveille une forme de plaisir coupable, car leur « échec » nous rappelle que personne n’est infaillible. Dans un monde où les célébrités sont souvent idéalisées, il est presque libérateur de constater que leur goût, ou parfois leur sens de la décence, peut les trahir. C’est d’ailleurs ce qui alimente la popularité des critiques de mode acerbes : elles jouent sur cette fascination pour les erreurs des autres, surtout quand ces autres sont souvent considérés comme des icônes d’influence et de style.
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Cependant, la critique de mode a évolué pour devenir bien plus qu’un simple avis tranché de type « c’est moche » ou « c’est beau ». Les nouvelles générations de critiques de mode, notamment sur YouTube, adoptent une approche plus nuancée et approfondie. Dans ce paysage en constante évolution, certains critiques prennent en compte des facteurs comme la durabilité, l’inclusion des morphologies ou encore l'appropriation culturelle dans leurs jugements. Un influenceur de mode peut ainsi expliquer pourquoi une tenue peut être problématique d'un point de vue éthique, ou comment certaines pratiques de l'industrie de la mode nuisent à l’environnement. Cette analyse plus poussée répond à un besoin de transparence et de conscience sociale dans le monde de la mode, surtout à une époque où les consommateurs exigent davantage de responsabilité de la part des marques et des célébrités. Si nous prenons tant de plaisir à regarder des critiques de mode se moquer des tenues de célébrités, c'est parce que cela répond à plusieurs besoins : se conforter dans nos goûts, relativiser le statut des célébrités, et même faire l'expérience d'un jugement collectif sans conséquences personnelles.