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L’heure des tabi de Margiela a sonné

Victimes de leur succès, tout laisse penser que les tabi, c'est fini

L’heure des tabi de Margiela a sonné Victimes de leur succès, tout laisse penser que les tabi, c'est fini

Si les tabi de la Maison Margiela, qu’il s’agisse de sa version ballerine ou bottine, ont été (et sont encore) vus et revus aux pieds des fashionistas les plus aguerris et symbolisent le savoir-faire et le caractère avant-garde de la marque belge, leur déclin semble toutefois avoir débuté. Triste destin d’une pièce trendy, direz-vous. Et bien oui, car malgré leur design visionnaire et unique propre à la Maison Margiela et son éthique intemporelle, loin de chercher à combler des tendances passagères, plusieurs facteurs ont fait en sorte, malgré eux, que la paire dégringole dans le classement fictifs des pièces in du moment. Entre leur omniprésence, la montée des dupes, et le cycle sans fin de nouveau, renouveau, oubli et renaissance auquel appartient la mode, voilà pourquoi les tabi, c'est (presque) fini.

En 1988, à l’aube du premier défilé de la Maison, Martin Margiela, désireux de créer une chaussure inédite, s'inspire des travailleurs japonais et de leurs chaussures plates en coton, observées précédement lors d’un voyage à Tokyo. Il revisite cette silhouette à bout fendu en l’adaptant à une botte en cuir à talon bloc et, pour lui donner un twist original qui marquera les esprits, enduit les chaussures de peinture rouge afin que les mannequins laissent des empreintes fendues sur le podium. Cette mise en scène donnera au tabi la réputation de symbole de l’anti-mode, mais, jugées marginales, elles restent longtemps réservées aux adeptes de cette esthétique particulière, jusqu’à un regain d’intérêt en 2021, puis un véritable retour de flamme en septembre 2023 lorsque l’histoire des tabi devient virale. Depuis, les tabi de Maison Margiela, déclinées en ballerines, Mary-Janes, mocassins et brogues, connaissent une popularité fulgurante, en tête des tendances selon la classification de Lyst.

Sauf que parfois, trop de succès tue le succès. Avant leur popularité fulgurante, le modèle correspondait à une esthétique particulière et unique, destinée à une tranche de consommateurs bien définie, qui voyait en la paire de chaussures autre chose qu’un objet tendance « qui fait fashion ». Le modèle représentait presque une élite de la mode et reliait entre eux ses collectionneurs bien au-delà de la possession d'une paire de chaussures. Aujourd’hui, ses diverses déclinaisons, allant des ballerines ballet core aux bottines en cuir plus punk, les ont rendues appréciables par tous, trop répandues, et surtout plus du tout fidèles à elles-mêmes ni à leur maison mère. Le fait qu’elles sont apparues aux pieds de célébrités dont l’esthétique colle pourtant difficilement avec celui de la maison Margiela comme Dua Lipa ou Kylie Jenner, n’a d’ailleurs pas non plus contribué à leur restituer leur signification d’autres fois. Car qui dit pièce portée par célébrité dit fan club automatiquement charmé et surtout modèle sur-vendu, à des clients qui le banalisent et qui s’en débarasseront une fois la prochaine tendance arrivée.

Et montée en flèche de la popularité d’une pièce de luxe signifie bien entendu montée en flèche du nombre de dupes de cette même pièce sur le marché. La pratique chinoise du «pingti», le fait de copier un article d’une grande maison sans toutefois le décorer du logo de sa marque, autrefois réservée à la maroquinerie et aux vêtements a récemment commencé à toucher également les cosmétiques et les chaussures. Mais la Chine bien sûr n’est pas la seule à proposer des versions fakes des tabi. Car si les pingti sont bel et bien des contrefaçons, le coût des pièces reste toutefois relativement élevé. Le phénomène probablement le plus problématique, en ce qui concerne les tabi, c’est l'essor des «alternatives économique», aka le nouveau gagne pain de quelques petits malins qui ont vu la tendance comme une nouvelle opportunité de s’en mettre plein les poches. Vinted, par exemple, croule sous les modèles similaires pourtant fake des tabi, vendus en moyenne à environ 250€ la paire, un prix qui semble dérisoire comparé aux 800€ pour une vraie paire signée Margiela, mais qui reste extrêmement élevé sachant qu'il s’agit d’une contrefaçon dont la qualité ne vaudra probablement pas son prix. Et tout ce cirque autour de la contrefaçon ne s’arrête pas là : le vrai fléau pour Margiela, ses chaussures et son image, ce sont ses faux tabi vendus sur des plateformes chinoises comme Shein, Temu ou Aliexpress, emmenant le modèle au point le plus bas possible et imaginable, au purgatoire de tout fashion qui se respecte, dans une démocratisation extrême, douloureuse et honteuse d’une pièce qui symbolisait autrefois différence et inaccessibilité. 

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Un destin funeste qui attend probablement de nombreuses pièces de luxe, victimes de leur succès et de leur popularité à outrance. Toutefois dans la mode, rien ne disparaît jamais complètement, ce qui meurt est destiné à renaître et vice versa. Il est possible qu’après une période d'exile pour les tabi et leur remplacement par une autre pièce qui fatiguera tout autant son public au bout d’un certain temps, elles reviendront comme symbole de la mode et de son passé par excellence, faisant l'apologie d’un style d’une autre époque qui mérite d'être étudié et remis sous le feu des projecteurs. Une renaissance que l’on vit actuellement avec par exemple les baskets à talons Isabel Marant, pièce phare des années 2000, ou encore le sac Paddington de Chloé, que l’on voit actuellement accroché aux épaules de toutes les initiées de la mode alors qu’il y a quelques mois encore il représentait une période révolue et qui semblait derrière nous à jamais. En attendant que ce moment de retour en force pour les tabi n'arrive, une petite pause s’impose.