Selon le nouveau classement de Lyst, les consommateurs en ont assez du luxe
Le nouveau classement trimestriel comporte plusieurs nouveautés
23 Octobre 2024
Il est rare que le classement trimestriel de Lyst subisse des changements sismiques : il est plus fréquent que la géographie de la mode décrite par le rapport évolue lentement, un peu comme cela se produit dans la nature. Ce n’était pas le cas au dernier trimestre. Tout d’abord parce que, même face à un Top 3 stable avec Miu Miu de retour en tête en échangeant sa place avec Loewe, le luxe proprement dit et les marques des groupes LVMH et Kering ont perdu visiblement du terrain; ensuite, parce qu'une vague de nouveaux acteurs a fait une entrée fracassante dans le classement. L’entrée la plus surprenante est sans doute celle d'Alaïa, qui avec un bond de 12 places se retrouve en cinquième position avec une augmentation de 51% des recherches. Parmi les nouveaux entrants figurent également Toteme, Victoria Beckham, Ralph Lauren et Chloé. Une autre marque déjà présente, mais qui a fait un grand saut, est Coach, qui grâce à son offre de luxe accessible accélère la croissance de sa réputation et (on suppose) de ses ventes. Selon Lyst, il y a également eu une augmentation de 109% des ventes pour les marques "premium contemporaines", à savoir des marques jeunes et alternatives au luxe traditionnel représentées par trois marques (non classées) comme NN.07, Stone Island et Entire Studios. Les résultats sont également positifs pour Gucci et Valentino, les seules grandes marques de grands groupes en hausse, tandis que Balenciaga, Versace, Moncler et Louis Vuitton ont toutes perdu du terrain, chutant dans le classement. Excellente performance de The Row, qui a gagné sept places, porté par l’ouverture d’un nouveau magasin à Paris et par d'importants nouveaux investisseurs.
Il est intéressant, pour un diagnostic sommaire des habitudes de consommation, d'examiner le classement des produits les plus recherchés : face à des produits de luxe tels que les ballerines d'Alaïa et le sac Arcadie de Miu Miu, le reste du classement est dominé par la catégorie du luxe accessible. Les Speedcat de Puma et les Wallabee de Clarks Original, les sacs Coach et Longchamp, tous à moins de 600€; les bottes de motard de Ganni, les lunettes de soleil Tom Ford et les pantalons de The Frankie Shop. L’article le plus cher est une veste Toteme à 730€, un montant avec lequel on pourrait tout au plus se permettre un jean de marque de luxe – si on a de la chance. Hormis quelques pièces exceptionnelles, il semblerait donc que les articles que le public de la mode cherche ne soient plus des produits de luxe mais proviennent plutôt de marques relativement nouvelles ou qui ont récemment été revitalisées et qui proposent des produits de qualité à des prix globalement accessibles. Ce constat est particulièrement frappant dans la catégorie des sacs : si celui de Miu Miu reste le seul exemple de sac de luxe proprement dit dans le classement, la présence du Brooklyn de Coach et du Pliage de Longchamp témoigne que les clients commencent à trouver des alternatives valables à ce qu'ils auraient pu acheter il y a dix ou vingt ans en économisant un peu, peut-être pour une occasion spéciale. Selon Lyst, la génération Z a joué un rôle clé dans ce changement, provoqué en bref par leur “main invisible” qui, par un processus lent et collectif, déplace les priorités de la demande.
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Quelles conclusions tirer alors du classement du troisième trimestre ? Le tableau dressé est celui d’une industrie du luxe en profonde transition, dont les courants propulsent vers le sommet les marques capables de briser la barrière séparant l'aspiration des réseaux sociaux de la réalité des achats – une barrière qui semble de plus en plus difficile à franchir pour de nombreuses marques traditionnelles. Le luxe traditionnel, alourdi par ses prix, perd de son attrait auprès du public. Le fait que les marques de luxe aient semblé incapables de démontrer, non pas tant leur excellence, mais leur supériorité par rapport à des marques telles que Coach, Ganni ou Toteme, mais aussi The Frankie Shop, n'arrange rien : c'est toujours le même coton, le même cuir, le même daim - rien, à part l'image de marque, ne justifie une dépense aussi prohibitive que celle exigée par le luxe, et donc, en réponse, les préférences et les curiosités des clients se déplacent et récompensent d'autres fabricants et, surtout, d'autres produits. Mais ce n'est toutefois que la première mi-temps : le plus dur se jouera au cours des trois derniers mois de l'année, la période de Noël, où toutes les marques, petites et grandes, essaieront de conquérir la plus grande partie possible des consommateurs.