La Galerie Dior et Peter Lindbergh s'unissent dans une ôde à la femme
À travers une exposition qui dévoile la beauté brute des femmes à travers la mode
16 Octobre 2024
« Si les photographes sont responsables de la création ou du reflet d'une image des femmes dans la société, alors je dois dire qu'il n'y a qu'une seule voie pour l'avenir, et c'est de définir les femmes comme fortes et indépendantes. Telle devrait être la responsabilité des photographes aujourd'hui : libérer les femmes, et finalement tout le monde, de la terreur de la jeunesse et de la perfection », a dit un jour Peter Lindbergh, photographe regretté connu pour ses photographies de mode mais surtout pour sa manière de montrer les femmes sous un angle nouveau et authentique. Décédé il y a 5 ans, le photographe et ses valeurs continuent de briller, et aujourd’hui, c’est à la Galerie Dior de Paris que ses oeuvres sont sous le feux des projecteurs, dans une exposition-collaboration mélangeant habillement mode, photographie et histoire. La toute nouvelle sélection d’archives de la maison Dior qui habille les 13 pièces du musée est accompagnée de pas moins de 100 photos signées Lindbergh, dans un mix homogène articulé autour d’un seul et même sujet : la femme.
Si c’est la première fois que ces deux maîtres de la mode brillant chacun dans une discipline différente se rejoignent, cette collaboration fait pourtant particulièrement sens au vu de la place et de l’importance que chacun d’eux accordent à la figure de la femme. Pour Dior, c’est le New Look et sa Bar Jacket à la silhouette en sablier épousant parfaitement et mettant en valeur le corps de la femme qui le propulsera sur le devant de la scène fashion en 1947. Une création que l’on pourrait presque qualifier d’ôde à la féminité, aux côtés du reste des collections signées Christian Dior toutes plus féminines les unes que les autres par leurs formes, leurs matières ou leurs couleurs et imprimés. Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne que Christian Dior vouait aux femmes une admiration sans pareil, ayant grandi entouré de soeurs, dont une inspirera d’ailleurs la création du parfum Miss Dior sorti en 1947 également. À sa mort prématurée 10 ans plus tard, le créateur sera remplacé par une série de successeurs qui tous parviendront à ajouter leur patte à la maison sans pour autant lui faire perdre son ADN et sa base divinement féminine. L’actuel directrice créative à la tête de la maison, Maria Grazia Chiuri, fait d’ailleurs souvent de la femme le thème principal de ses défilés, avec par exemple celui de la collection Haute Couture 2020 organisée au musée Rodin en collaboration avec l’artiste féministe Judy Chicago ou encore sa SS24.
Peter Lindbergh, pour sa part, a toujours été connu pour sa capacité à briser les codes de la beauté standard et des rôles féminins stéréotypés, surtout au court des années où les magazines de mode et les publicités sont peuplés de femmes fatales et de wonder women représentant toutes faussement des standards quasiment inatégnables pour la femme. En 1988, il frappe fort en publiant une photo qui marquera les anales de la mode et de la presse féminine : celle de six filles (et pas n’importe lesquelles, Linda Evangelista, Naomi Campbell, Tatjana Patitz, Cindy Crawford et Christy Turlington) représentées sur la plage sans maquillage, vêtues d'une simple chemise blanche. Il détestait d'ailleurs le maquillage et n'effectuait aucune retouche sur ses photos. Avec Peter Lindbergh, les femmes étaient représentées telles qu’elles sont : belles, au naturel, avec des rides, une peau imparfaite et des petits «défauts» qui les rendent pourtant extraordinaires.
Le concept même de l'exposition est de raconter une double histoire : celle de Lindbergh, de la maison Dior, le tout à travers un seul et même prisme : le féminin. L'exposition s'ouvre sur la veste Bar, emblème de la maison, cintrée à la taille, accompagnée de réinterprétations du modèle plus récentes et douces réalisées par Maria Grazia Chiuri exposées à côté des portraits granuleux en noir et blanc de mannequins qui se mêlent aux échafaudages industriels des rues de Manhattan. La balade se poursuit ensuite avec une Linda Evangelista souriant de manière contagieuse, assise à un café parisien vêtue d’une robe de cocktail réalisée par Marc Bohan, et continue avec une Tanga Moreau exhalant la fumée de sa cigarette à la gare Austerlitz, portant des bijoux maharaja et une robe noire signée John Galliano ou encore une Milla Jovovich, belle et rebelle, avachie dans une interprétation par Raf Simons de la robe bustier Miss Dior. La pièce maîtresse de l'exposition est un méga shooting réalisé en 2018 dans le but d'en faire un livre, dont les tirages n'ont finalement jamais été montrés au public auparavant. Un projet pour lequel Lindbergh avait pourtant mis les petits plats dans les grands, rassemblant des mannequins du monde entier - dont Alek Wek, Karen Elson, Irina Shayk et Carolyn Murphy - ainsi que plus de 80 tenues issues de ses archives, capturées dans l'effervescence de Times Square ou tout simplement en studio. Tout au long du parcours, les visiteurs peuvent inspecter les photos de mode que Lindbergh a réalisées pour divers magazines de mode internationaux, ainsi qu'une toute nouvelle sélection de tenues Dior qui retrace l'histoire de la marque, dont un bon nombre sont directement liées aux photographies de Lindbergh, comme la robe rose coupée en biais avec des broderies florales de l'une des premières collections de Galliano, portée par Shalom Harlow lors d'une séance photos pour Vogue. D'autres sont des attractions à part entière, comme la robe dorée que porte Rihanna dans la nouvelle campagne J'adore Dior, ou encore la robe pêche froufroutante que portait Marlene Dietrich dans Stage Fright d'Alfred Hitchcock, sorti en 1950.
Que de clichés qui alternent mode et modèle : parfois, c’est le vêtement qui est au centre de la l’attention et qui rend la femme belle, avec des photos sur lesquelles le visage du mannequin n’apparait pas pour se concentrer sur une étoffe particulière ou une coupe incroyable, et parfois, le vêtement passe au second plan pour laisser briller celle qui le porte. Un équilibre qui honore à la perfection la volonté de Lindbergh de ne pas se limiter à documenter la mode, mais à raconter toute l’histoire qui l’entoure et la crée. En septembre dernier, la Galerie Dior accueillait son millionième visiteur depuis son ouverture en mars 2022. Aujourd’hui l'exposition Dior/Lindbergh affiche déjà complet pour les deux premières semaines suivant son ouverture. Elle ouvrira ses portes ce jeudi et se poursuivra jusqu'au 4 mai 2025. Une occasion d’enrichir sa culture mode et photogtaphique, mais surtout de s’en prendre plein la vue dans un mélange haut en couleur malgré lui de photos en noir et blanc et de créations plus magiques les unes que les autres.