Teintures de France, l'atelier secret derrière les couleurs de la Haute Couture
L'art de manier et de donner vie au tissu, de la Tunisie à la banlieue parisienne
03 Octobre 2024
Quand on pense à Paris et sa renommée de capitale de la mode française, c’est surtout l’Avenue Montaigne, la rue Cambon de Chanel ou encore le Grand Palais auquel Karl Lagerfeld était pratiquement abonné pour ses mythiques défilés qui nous viennent presque automatiquement à l’esprit, pas tellement les recoins cachés de la banlieue parisienne. Et pourtant, c’est derrière les allées colorées d’un parc d'attractions pour enfants de Bonneuil-sur-Marne que se cache Teintures de France, là où prennent vie les couleurs et les dessins des tissus qui donneront ensuite forme à certaines pièces marquantes des plus grandes Maisons de mode françaises. En effet, c’est à cette teinturerie artisanale française aux racines tunisiennes, où techniques ancestrales et outils ultramodernes se rencontrent que, Hermès, Chloé, Louis Vuitton, Rabanne ou encore Maison Margiela font appel et vouent une confiance aveugle, aussi bien pour le tissu de pièces présentées en défilé que celles sous le feux des projecteurs lors de grands moments pour la fashion sphère, comme certains tapis rouges ou événements mondains.
La robe bustier en nacre et mousseline plissée à la main Loewe imaginée par Jonathan Anderson que portait Ariana Grande au Met Gala dernier, par exemple, fait partie de ces créations qui ont vu le jour au milieu des cuves de couleurs, des rangées d'imprimantes ou encore des stations de peinture par pulvérisation de Teintures de France. Après avoir débuté sa carrière dans le nettoyage à sec pour Disneyland Paris ou le Moulin Rouge, Serge Haouzi, responsable du design de l’établissement, a commencé à collaborer avec des créateurs de mode au début des années 2000, en débutant avec Balmain et la conception des t-shirts déchirés de Christophe Decarnin, alors directeur créatif de la Maison précédant Olivier Rousteing. Tout récemment, c’était au tour de John Galliano de faire appel aux services de l'institution pour la réalisation de ses corsets en cuir effet vintage qui ont marqué la collection Artisanal SS24 de la Maison Margiela. Et si les grandes marques viennent et reviennent chez Teintures de France, c’est parce qu’aujourd’hui sa réputation n’est plus à faire. Elle a gagné en popularité non seulement grâce à sa capacité à gérer les urgences de dernière minute, mais aussi par sa parfaite compréhension des projets créatifs et sa maîtrise de la reproduction des couleurs à partir de minuscules échantillons, prenant en compte tous les facteurs allant de la nature du tissu à l'éclairage auquel la pièce sera exposée.
Un talent que peu peuvent se vanter de détenir, car si dans les années 90, Paris renfermait une centaine de teinturiers blanchisseurs, aujourd’hui ils ne sont plus que quatre, même si Teintures de France est la seule institution en France à proposer cette gamme de services. Et si tout ce processus pourrait sembler de prime abord dangereux et nocif pour celui qui le réalise, ce qui expliquerait le manque de professionnels dans le domaine, mais surtout pour l’environnement, ce n’est pas tout à fait vrai. « Sur les 1 500 produits que nous utilisions, plus de 800 étaient toxiques. Aujourd'hui, il n'y en a plus que trois», expliquait M. Haouzi à Women’s Wear Daily. Récemment, l'entreprise a investi dans des technologies plus écologiques, telles que le G2 Atmos de Jeanologia, qui utilise l'ozone pour laver les jeans, réduisant ainsi de manière significative la consommation d'eau et de produits chimiques. D'ici la fin de l'année, elle aura également mis en place des systèmes de recyclage des eaux usées et envisage de produire sa propre énergie. Comme quoi, il est toujours bon de se rappeler que mode et paillette ne riment pas toujours avec pollution, et que derrière les grands moments de mode et les créations les plus époustouflantes se cachent souvent des services tels que Teintures de France, sans qui le tissu serait bien moins brillant et le résultat final clairement moins éblouissant.