Le surréalisme désinvolte de Schiaparelli SS25
Quand le prêt-à-porter se fait haute couture
27 Septembre 2024
Tandis que la pluie s’abat sur la capitale française, scène principale du monde de la mode pour cette semaine, depuis quelques jours, le ciel se dégageait soudainement hier aux alentours de 19 heures alors que les invités du défilé SS25 de Schiaparelli se présentaient un par un Place Vendôme. C’est en effet à deux pas du Ritz, institution de la mode malgré lui, là où Coco Chanel a passé une partie de sa vie et surtout de sa carrière, qu’un des show les plus attendus de la semaine a pris vie. Un show signé Daniel Roseberry, directeur créatif chez Schiaparelli depuis 2019, qui mettait sous le feu des projecteurs un thème central de la mode : la femme. Dans cet hommage aux femmes qui contribuent tous les jours à rendre sa vie et son art plus beau, le créateur proposait dans un ton casual accentué d’une pointe de surréalisme, un uniforme quotidien pour les femmes fortes et indépendantes, qui n’ont besoin de rien de plus qu'un jean et un corset pour se transformer instantanément en icônes de la mode. Pas de thème unique ou de fil conducteur, si ce n’est les femmes, la fête et la liberté d’expression, tous les jours et dans toutes les situations.
La Maison qui d’habitude est aux antipodes du quiet luxury et qui n’est pas réputée pour son sens de la mesure revient aujourd’hui avec des codes légèrement différents de ceux auxquels elle nous a habitués et une approche de l’habillement qui jusqu’à présent nous était inconnue de la part de Schiaparelli. Les pièces classiques comme le jean et la chemise blanche sont au centre du show, dans une version soft et nonchalante mais toujours dotée d’une touche d’excentricité. L’attention aux détails et l’artisanat de grande qualité qui caractérisent le travail de Roseberry sont bien entendus présents, pourtant les touches surréalistes si chères au coeur de la Maison Schiaparelli se sont légèrement effacées pour laisser place à une mode plus approchable et moins conceptuelle, mais tout aussi construite et réfléchie. Les broderies sont drastiquement réduites par rapport à d’habitude, l’importance est mise cette fois sur les textures, les surfaces et les contrastes.
Le show est ouvert par la fameuse silhouette sablier, avec deux premières robes chemises donnant presque aux modèles un air de statues grecques sculptées dans le marbre. Arrive ensuite Kendall Jenner vêtue de ce qui paraît de prime abord être un simple jean et un corset, mais qui se fondent pourtant en une seule et même combinaison de femme fatale des temps moderne. Adriana Lima, quant à elle fait son grand retour sur le podium portant une robe-chemise blanche réinventée, taillée dans des proportions avant-gardistes. Les silhouettes à la taille archi marquée s'enchaînent, avant de laisser place à des pièces toutes plus différentes les unes des autres au fur et à mesure que le défilé avance. En effet, des robes étroites qui soulignent les formes du corps féminin, on passe en un claquement de doigts à un manteau rouge extravagant et volumineux, à un ensemble estival turquoise associé à un foulard noué autour du cou pour retourner ensuite vers d’élégantes robes de soirée. Des éléments clés (c’est le cas de le dire) de la Maison Schiaparelli sont encore et toujours là, comme la mythique serrure ou encore les décorations en 3D dorées. En ce qui concerne les accessoires, la tresse revient cette fois encore, qu’elle soit attachée à une robe et enroulée autour de la main du modèle tel un fouet ou attachée autour du cou faisant office de cravate. En ce qui concerne les matières, tout y passe : jean, tissus transparents, perles et sequins.
Et c’est justement le fait que l’on retrouve de tout dans cette collection, dans un mix de matières, de styles et de couleurs qui pourrait poser problème. Bien que l’on applaudit le fait que la liberté soit mise à l’honneur et que Roseberry ait laissé libre cours à sa créativité sans lui imposer de limite aucune, l’absence de fil conducteur et de continuité dans la collection pourrait être interprétée comme un point négatif. On passe de vestes aux volumes disproportionnés qui semblent presque avaler les modèles à des tenues adaptées à des vacances à Saint-Tropez, pour retourner ensuite vers un registre chic peut-être même un peu hautain. Les mannequins semblent toutes se rendre à un événement différent, et ce n’est pas forcément une bonne chose. Toutefois, l'attention accordée aux détails les plus minimes, la qualité et la capacité de Roseberry à transformer tout ce qu'il touche en éléments de haute couture est à souligner, tout comme le thème et la reconnaissance accordée à celles sans qui rien ne serait possible, de la cliente à la couturière, en passant par l'artisane et la technicienne.