Cela vaut-il encore la peine d'aller aux after party de la Fashion Week ?
Autrefois une institution, elles ont aujourd'hui perdu de leur éclat
19 Septembre 2024
Tout le monde aime assister aux défilés, mais si vous demandez à un véritable pro de la mode, tout le monde préfère aller aux after-parties. En effet, au cœur de la fashion week, les défilés sont des moments à la fois magnifiques et frénétiques : on arrive et on s'assoit dans le chaos, on attend les inévitables trente minutes ou plus de retard et, finalement, on regarde le défilé, souvent à travers les téléphones. Lorsque celui-ci se termine, certains journalistes (seuls les plus prestigieux) courent dans les coulisses pour les interviews tandis que tous les autres se précipitent vers le défilé suivant. Le tout en portant une tenue appropriée. En bref, c'est une affaire plutôt formelle, souvent pressée, et encore plus souvent chaotique. C’est justement pour alléger toute cette pression qu’ont été créés les after-parties : des fêtes plus ou moins privées que la marque organisait pour ses employés et sa communauté afin d'évacuer la haute tension des jours précédents le défilé. Leur liste était limitée aux employés susmentionnés, à quelques célébrités ou managers à placer dans un espace VIP, et aux invités divers et variés – elles étaient amusantes, pleines de personnes à rencontrer, souvent assez sauvages. Elles étaient beaucoup plus exclusives que les défilés, car aux défilés, on y va pour le travail, tandis que l'invitation aux after parties signalait une connexion plus profonde, si ce n'est une appréciation. Elles étaient plus exclusives parce que l’on y rencontrait également des top models, des stars du cinéma ou de la musique, des personnes puissantes et influentes, ainsi qu’une parade de belles personnes – être sur la liste des invités signifiait faire partie de cette belle société, être dedans et non dehors. Inutile de dire qu’aujourd’hui les choses sont assez différentes – mais pourquoi ?
@madou01_ There might be a huge lack of organization as well tho But GODDDD, it’s annoying! #milanofashionweek #milanfashionweek #fw24 original sound - MADOU01_
«Aux fêtes de la fashion week, on ne va pas pour s'amuser, on y va pour être là», est le slogan de nombreux PR et insiders lorsque les dates de Londres, Paris ou Milan approchent. Ce qu'ils veulent dire, c'est que l'objectif ultime d'une fête est généralement de danser, flirter, boire un verre, se lâcher – mais tout fashion worker qui se retrouve aujourd'hui à l'une de ces fêtes sait qu'il n'a pas la liberté de se défouler, de boire à volonté ou de courir le risque de se retrouver dans des situations inappropriées. Même la notion de « danser comme si personne ne regardait » perd son sens quand tout le monde regarde, notamment les PDG ou directeurs créatifs, employeurs ou collègues d'autres entreprises. Et l'exclusivité est également un sujet à aborder. Aujourd'hui, si l'ivresse recherchée est celle d'être invité dans le cercle restreint, l'invitation à chercher est celle des dîners privés des marques : une trentaine ou quarante couverts, une liste d'invités incluant des stars du cinéma et la crème des influenceurs, les hautes hiérarchies des marques et, enfin, les créateurs, assis côte à côte avec les autres invités. C'est là que se trouve la véritable exclusivité, le véritable accès. Les fêtes sont désormais des affaires bien plus inconfortables : files d'attente et longues listes, lieux tellement bondés qu'on ne peut pas marcher, foules d'acteurs secondaires de l'industrie (ou aspirants) venus chercher open bar et exhibition, VIP et designers enfermés dans un privé inaccessible qui est la fête dans la fête. En résumé, de moments spéciaux, beaucoup d'after-parties sont devenues des rassemblements de foule où, paradoxalement, obtenir un verre est extrêmement compliqué, se lâcher est déconseillé et même entrer est très difficile malgré l'inscription sur la liste.
@saintleone Always bring a pen with you to every night out. Thank you @NELLO TAVER #lifehacks #milanfashionweek #mfw #milan #afterparty #valentinaferragni original sound - Saint Léon
Sur papier, ces fêtes restent exclusives, si l’on est sur la liste, c'est pour une raison, mais, dans la pratique, quand on émerge de la marée humaine, on a l'impression de respirer pour la première fois. Il est aussi vrai qu'aucune marque ne veut organiser une fête ennuyeuse : il faut que le lieu soit de qualité, qu'il y ait beaucoup de monde, mieux encore si ce sont des personnes connues, qu'il y ait une file de curieux à l'extérieur, que les gens ne restent pas figés et s'amusent. Néanmoins, lors des dernières fashion weeks (du moins à Milan), plusieurs after-parties ont dû fermer leurs portes pour avoir dépassé leur capacité; il y a eu un niveau de chaos tel que de nombreux invités n'ont tout simplement pas pu entrer et sont partis en voyant la foule. Le problème de ces fêtes est presque le même que celui d'une mode actuelle qui ne sait vraiment pas à qui s'adresser, aux cool kids jeunes protagonistes du moment ou à un public plus sérieux mais doté d'un certain pouvoir d'achat. Chose qui a conduit ces fêtes à se dénaturer ou, pour être plus conciliant, à changer de nature : sont-elles aussi devenues un énième outil de marketing ?