Enfance, Guinness et extravagance dans la SS25 de JW Anderson
Même les Polly Pocket boivent de la bière irlandaise
17 Juin 2024
L'année dernière, l'invitation de JW Anderson pour sa collection SS24 à Londres était un bloc de plastiline produit dans sa terre d'origine, l'Irlande du Nord. Un objet ludique et inhabituel qui a donné naissance aux formes et textures de la collection qui allait débuter, baptisant cette esthétique « polly pocket » qui définit encore le style du designer. Pour la SS25, cette fois à Milan, des volumes entre le comique et le féerique sont poussés à l'extrême, presque comme une vision due à un excès de Guinness. L'iconique bière irlandaise est en effet au cœur d'une collaboration dont le logo en perles sur des sweats et des pulls - jusqu'à la mousse dense de la stout, connue pour sa consistance permettant de dessiner des figures qui ne disparaissent pas en buvant, inspire des vêtements aux formes arrondies rappelant la « crête crémeuse » de la boisson. La collection nous ramène encore à l'enfance, mais une certaine ivresse typiquement irlandaise pousse l'imagination au-delà des volumes conventionnels, ajoutant une touche de merveille.
Des manteaux en cuir bombés deviennent moelleusement doux, portés sur des tee-shirts arborant le slogan « Real Sleep » dans une collection qui semble vouloir offrir une échappatoire au tumulte du monde réel. Avec une verve humoristique, Anderson joue sur les contrastes d'échelle, passant de l'infiniment petit à l'exagérément grand. La collection s'ouvre avec des vestes matelassées de proportions monumentales, avant de se transformer en énormes pelotes de cachemire, répétées en exubérants triptyques. Du côté des miniatures, Anderson évoque la nostalgie en recréant des maisons en rangée géorgiennes et des cottages bucoliques sur ses tricots, ornés de portes et fenêtres incrustées, comme des scènes de conte de fées. Les sweats, presque architecturaux, semblent pouvoir protéger d'une chute. Les manteaux, ornés de grandes structures de soie colorée, ressemblent à des ballons gonflés, signifiant un certain épuisement face à la surcharge du monde, dans une jupe inversée rappelant une robe à tournure du 19ème siècle. Et si tout devient trop, Anderson nous invite à trouver refuge et confort dans l'iconographie joyeuse d'une pinte de Guinness, intégrée dans une capsule collection avec des images extravagantes d'une campagne publicitaire d’antan.
Anderson admet dans Vogue qu'il n'y avait pas de fil conducteur particulier dans ce défilé de « vêtements irrationnels ». Mais par expérience, nous savons qu'avec le designer, on navigue toujours entre pensées et souvenirs. Et ils ne manquent pas dans cette collection, qui ressemble davantage à un collage d'idées provenant de sources similaires, mais qui jongle entre les frontières du réel et de l'abstrait, la miniature et le gigantisme. Anderson célèbre la Guinness en rendant hommage aux traditions vestimentaires de son pays natal : les façades des maisons typiques deviennent des pulls en laine, les vêtements populaires avec gilets et chemises froncées se transforment en tricots géants et les vestes imperméables des pêcheurs du nord sont réinterprétées en versions amples, jusqu'à ressembler à des capes. En jouant avec les dimensions, Anderson nous fait comprendre que ce voyage visuel n'est pas une illusion hypnotique, mais une réalité tangible. En explorant « l'idée de permissivité avec les vêtements », Anderson affirme que ce qu'il fait de mieux est de raconter des histoires, et cette collection en est une preuve éclatante.