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Quand Stefano Pilati était directeur créatif chez Saint Laurent

Un explorateur des côtés sombres du glamour

Quand Stefano Pilati était directeur créatif chez Saint Laurent Un explorateur des côtés sombres du glamour
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2009 est l'année où a été présenté The September Issue, un film documentaire sur la création du numéro de septembre de Vogue US, le plus important pour l'écosystème éditorial de Condé Nast. Dans l'un des nombreux plans où Anna Wintour s'attache à désapprouver le travail de ses employés et collaborateurs, apparaît Stefano Pilati, racontant timidement l'une de ses dernières collections pour Saint Laurent. Pilati, qui, adolescent, rêvait de pouvoir porter les vêtements de Fiorucci, a pris les rênes de la maison française en 2004, juste après le départ de Tom Ford et son rachat par le groupe Gucci. Après l'annonce de la démission de Ford, tout le monde supposa  automatiquement que Pilati serait l'héritier de YSL. «J'étais le candidat numéro 1», se souvient le designer dans le New York Times, «mais ils cherchaient encore quelqu'un d'autre. Chaque jour, il y avait un nouveau candidat, Hedi Slimane ou Alexander McQueen, mais je n'ai pas attendu qu'ils me disent oui : j'ai commencé à dessiner deux collections. Et, finalement, ils m'ont donné le poste».

@bundchenaesthetic #AnnaWintour durante o #preview da coleção de outono/inverno 2007 da #YvesSaintLaurent a comando de #StefanoPilati, bem #TheDevilWearsPrada som original - bündchen aesthetic

Le travail de Pilati chez Saint Laurent part d'un postulat de base très précis : «Saint Laurent a tout fait. Vous entrez dans les archives YSL et vous avez l'impression qu'il a pensé à chaque idée que vous pourriez jamais imaginer. C'est intimidant». Une intimidation qui, selon le designer italien, ne semble pas avoir caractérisé de la même manière le travail de son prédécesseur, Tom Ford, coupable d'avoir quelque peu négligé le grand avertissement cousu sur les smokings et les sahariennes de Monsieur Yves : mettre les femmes à l'épreuve. Lorsque Stefano Pilati arrive chez Saint Laurent, il se retrouve confronté à un scénario marqué par une crise financière commencée en 1993 et par trois opérations de vente : la première au conglomérat pharmaceutique français Elf Sanofi ; la deuxième en 1999 à François Pinault pour 1 milliard de dollars et la troisième au groupe Gucci.

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Dans la longue interview accordée au New York Times, Pilati rappelle les paroles prononcées par Tom Ford à la fin de l'année 2001 : «Le 11 septembre, les années 90 ont pris fin. C'était un moment difficile pour relancer une marque». Pourtant, Yves Saint Laurent a commencé à se redresser avec le lancement d'un sac (le Mombasa) et d'un parfum (Nu). «C'était plutôt fascinant pour moi d'observer tout cela», racontait Pilati entre deux cigarettes. "Et utile. Ils cherchaient tous le sac qui nous sauverait. J'ai dit : Je ne suis pas un designer de sacs, mais je ferai ma part. Nous avons créé le Mombasa».

Le parcours de Pilati en tant que directeur créatif chez Saint Laurent commence pourtant avec la collection SS05 qui, rompant avec le sensualisme poursuivi sans relâche par Tom Ford, divise la critique, méfiante envers les jupes tulipes et les imprimés à pois se rapportant à une période de temps indéterminée entre les années 50 et 80 : Vanessa Friedman qualifia les robes de cocktail de désastreuses, tandis que Suzy Menkes écrivit que les jupes "ressemblaient à celles de filles dans un défilé de Pâques". Seule Carine Roitfeld, à la tête de Vogue Paris, entrevit du potentiel dans la direction créative de Pilati, en mettant l'une de ses vestes à pois en couverture du numéro de février. Si déjà avec la collection FW05 Pilati avait réinterprété les codes esthétiques de l'uniforme des religieuses jansénistes dans les peintures flamandes, avec leurs tissus "propres, parfaits et repassés mais riches en détails", avec la collection FW06, il a réussi à rendre sexy des tuniques portées sur des pantalons skinny, laissant les pantalons de smoking sur le banc de touche - «En regardant mes sœurs, j'ai réalisé à quel point il peut être sexy de déboutonner quelque chose dans le dos. Vous avez besoin d'un homme pour vous aider à le faire».

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«Enfin quelque chose à porter !» écrivait quant à elle Cathy Horyn à propos de la collection FW07, cella qu'Anna Wintour regardait pourtant avec méfiance dans The September Issue, en raison de la palette chromatique dépouillée selon elle - le glamour de Pilati, aussi sophistiqué soit-il, se distingue par un rendu froid. «Tu sais, ce n'est pas mon mood d'hiver. Les couleurs ,pour moi, sont plutôt une chose estivale» expliquait Pilati à sa manière. Des vestes à la coupe masculine, des manteaux arrondis aux manches raglan, des vestes de smoking, une palette gris ciment qui englobe même un manteau de fourrure avec de la mousseline de soie noué à la taille : Pilati a su revisiter les archives d'Yves Saint Laurent dans leurs aspects les plus romantiques, et apporter sa vision régie par une intelligence spatiale constante que l'on retrouve dans les volumes et les silhouettes, parvenant même à restituer un aperçu du parcours créatif de son fondateur : les couvre-chefs et les robes en nylon portées lors de la collection FW07 reproduisaient la texture des bottes en crocodile qui ont choqué la presse en 1960, lorsque Yves a perdu son rôle de directeur créatif chez Dior.

@the.vintism Is this @ysl F/W 2007 RTW runway coat by @stefanopilati one one of the chicest we have ever had? Yes, it might be. Crafted to perfection in soft grey wool & cashmere felt, the oversized balloon sleeves, the deep V neckline, the invisible button fastening make it a definition of YSL’s Parisian chic. As seen on the legend @gisele in the ad campaign. Psssst… We saw a twin of this coat sold online for over 2000$, while our reserve price may be somewhere around 300

Pilati lui-même a subi le même type de traitement lorsque, en 2004, il a été critiqué par la presse pour ses imprimés à fleurs. «Quand j'avais 17 ans, le directeur du design de Nino Cerruti, qui a été mon premier mentor, m'a appris qu'être trop en avance signifie être en retard. Le plus important c'est d'arriver à l'heure». Bien que le designer ait souvent ironisé sur sa capacité à faire des affaires, il a toujours travaillé avec la PDG Valérie Hermann pour lancer des accessoires et des produits susceptibles de plaire au plus grand nombre : en 2005 c'est le tour de son premier sac Muse, en 2008 de Muse Two et des bottes rembourrées, proposées ensuite en version escarpins. «Nous vivons dans un monde où vous devriez vous demander : dépenserais-je des milliers de dollars pour cette robe ?» se demandait-il en 2008, à un pas de la crise financière annoncée par les médias. Une partie de la réponse au problème a été apportée avec la collection FW09, qui a transformé les smokings d'archives de Saint Laurent en costumes rayés ou ensembles en cuir verni, atteignant un stade plus mature avec la collection FW10, où des colliers avec des pendentifs en or reproduits par des magazines des années 70, des chapeaux et des capes parlaient de protection.

Après avoir été exclu du gala d'ouverture d'une exposition sur Yves au Petit Palais par Pierre Bergé en personne, Pilati réélabore entièrement les aspects les plus épurés et classiques des archives avec la collection FW11, flirtant avec le bleu marine et les volants fuchsia. Son exploration continue de l'héritage et de la vie personnelle de l'auteur de la marque française conduit Pilati à un montage plus dramatique et sombre avec les dernières collections : pour l'homme, il cite l'histoire d'amour entre Yves et Jacques de Bascher et sa vie nocturne, en transformant des vestes militaires sur mesure et des cabans en un ensemble bondage à la Robert Mapplethorpe (un pull reprenait même son iconographie des lames), tandis que pour la femme, il joue avec des tailles de guêpe, du cuir et des robes en cotte de mailles entourées de cheveux lisses disciplinés par Guido Palau et des lèvres rouge vampire dessinées par Pat McGrath. Pilati, qui pour cette dernière collection avait choisi l'arum, la fleur adoptée par les Romains, comme symbole de la luxure et comme décoration sur les tombes des empereurs morts prématurément, parcourt pour la dernière fois le podium de YSL. Et il laisse, en guise de testament créatif, une réécriture très précise de cet univers qui n'a pas grand chose de doré.