Des allégations de plagiat ternissent le retour de Balmain sur les podiums
L'épineuse affaire du bijou 'Le Caire' de Tongoro Studio
24 Janvier 2024
La marque Balmain, sous la direction d’Olivier Rousteing, se trouve à nouveau au cœur d’une débâcle. Tandis que tous les regards sont tournés vers les développements de l’affaire du vol de la collection, au cours de laquelle cinquante pièces ont été dérobées en septembre, quelques jours seulement avant le défilé, elle fait depuis quelques heures la une de la presse pour une autre raison tout aussi scandaleuse. Tongoro, une marque sénégalaise accuse la maison de plagiat alors que cette dernière présentait son premier défilé homme depuis quatre ans. Des accusations au goût amer lorsque l’on considère que le créateur cherchait à rendre un hommage à la culture africaine et mettre en avant le concept de “blackitude”. Tout semblait se passer à merveille pour Balmain. Après quatre ans d’absence au calendrier de la Fashion Week Homme, l’antéchrist du Quiet Luxury (ou Boring Luxury selon les préférences) a fait un retour triomphant sur les podiums. Que vous l’aimiez ou le détestiez, les critiques sont unanimes, la collection automne-hiver 2024-2025 est une réussite marquant une nouvelle ère pour l’homme Balmain.
La vision artistique du créateur s’est brillamment exprimée dans cette collection arborant une esthétique maximaliste. Chaque pièce a été soigneusement élaborée avec des éléments visuels vibrants, des broderies dorées et des jeux de trompe-l’œil. Les coupes audacieuses, devenues la signature de cette série, ont mis en avant des épaules exagérées, créant ainsi un contraste avec une taille cintrée. Les détails spectaculaires, tels que les bijoux et les accessoires élaborés, ont apporté la touche finale en créant une harmonie entre les différentes créations et en ajoutant une note de haute couture à l’ensemble. Au-delà des tendances vestimentaires, Olivier Rousteing a démontré un engagement profond envers la diversité culturelle à travers son exploration de la “blackitude”, révélant la richesse de la culture noire et célébrant la diversité sous toutes ses formes. Les influences du voguing et les élements piqués à la sapologie, mouvement culturel et vestimentaire originaire de Brazzaville au Congo, renommé pour ses costumes élégants et colorés, ont également imprégné chaque aspect de la collection. Des choix délibérés qui ont abouti à une expérience visuelle dynamique, empreinte de joie et de bonne humeur où la mode dépasse la simple confection de vêtements pour devenir une expression puissante de la diversité culturelle et de l’individualité. C’est sans compter sur l’ombre des allégations de plagiat qui est venue assombrir le tableau.
Le scandale a éclaté lorsque Sarah Diouf, créatrice de Tongoro Studio, a publiquement accusé la maison de couture d’avoir reproduit son emblématique bijou “Le Caire”. Ce dernier a été dévoilé au cours de la présentation de la ligne “Tongoro Tribe” en mai 2019, à Dakar. Depuis son introduction, il a rapidement gagné en popularité, devenant un accessoire prisé porté par des personnalités renommées telles que Beyoncé, Alicia Keys, et Naomi Campbell. Et en effet, il est indéniable que les bijoux présentés par Balmain comportent des similitudes frappantes avec celui de la créatrice sénégalaise. En particulier celui caractérisé par sa finesse, sa dorure et son aspect longiligne, encadrant le visage de manière symétrique et arboré par plusieurs mannequins sur le podium mais que l’on peut aussi entrevoir dans le teaser officiel du défilé. La réaction de Sarah Diouf face à cette présumée copie de son travail a été exprimée avec une profonde déception et une douleur palpable. Sur les réseaux sociaux, en particulier sur Instagram, elle a partagé une photo comparant les deux modèles pour mettre en évidence la «ressemblance visible» entre la pièce de Balmain et son bijou emblématique. Un événement qu’elle a qualifié comme «difficile et douloureux» remettant en question l’authenticité des marques occidentales se prétendant inspirées par la créativité africaine.
Cependant, la réalité de notre monde n’est pas manichéenne, et la mode, elle aussi, comporte des zones grises. Dans une récente story Instagram, la jeune créatrice a reposté un montage photo mettant en évidence les diverses interprétations de ce bijou émanant de différentes marques. On pouvait notamment y lire «Il est important de souligner que rien n’est vraiment nouveau sous le soleil... Tout a été fait d’une manière ou d’une autre auparavant, et selon nos recherches, le premier exemple de ce style de bijoux remonte à 1974, puis a probablement voyagé ou été interprété plusieurs fois par beaucoup, mais dans la plupart des cas, ce qui prévaut toujours est la valeur commerciale (et l’exposition) qu’un produit apporte une fois qu’il est lancé dans le monde. Dans cet ordre, Gijs Bakker a-t-il inspiré Dion Lee, qui a inspiré Theresia Kyalo, qui a inspiré Tongoro, qui a inspiré Balmain? On peut débattre, car la créativité et l’idéation sont des choses si complexes. Pour la plupart d’entre nous, le style a été introduit par Tongoro en 2019, qui nous a invités dans leur processus de création avec une narration culturellement enracinée et des placements visibles tels qu’ils ne peuvent malheureusement pas être niés ni ignorés par quiconque prétend le présenter ultérieurement.» Un message qui vise à encourager le débat sur la nature subjective de la créativité et à remettre en question la notion de plagiat dans un contexte où les influences et les inspirations peuvent être difficiles à démêler de manière définitive. Si le tribunal du net doit être derrière cette remise en question de la part de Sarah Diouf, Olivier Rousteing et Balmain, quant à eux, ne se sont toujours pas prononcés vis-à-vis de la situation. Et il va sans dire que le peuple réclame des explications !